Écrit et numérique


État des lieux autour du lien entre écrit et numérique

À l’école, l’écriture à la main prédomine, les épreuves d’examen (brevet des collèges, baccalauréat) se déroulant principalement sur papier. Pourtant, en dehors de l’école, les élèves écrivent principalement sur un clavier (réseaux sociaux, SMS…). De même, les adultes utilisent désormais peu cette forme d’écriture, remplacée par une écriture dactylographiée, au clavier. Certains pays d’Europe du Nord et certains États des États-Unis s’interrogent sur la possibilité de faire apprendre l’écriture au clavier avant l’écriture à la main, voire de ne plus enseigner l’écriture manuscrite.

Cette partie s’appuie sur les notes de Franck Amadieu, Jacques CrinonMarie-Claude Penloup et Jean-Luc Velay (Notes des experts, Cnesco, 2018).

Écriture manuscrite ou numérique ?

Écrire à la main ?

Les recherches dans ce domaine sont encore rares, mais de premiers éléments semblent se dégager. Ainsi, des études ont montré qu’apprendre à écrire les lettres et les mots à la main permet ensuite de mieux les reconnaitre visuellement que s’ils avaient été appris par une écriture au clavier.

Une étude, réalisée auprès d’étudiants, apporte un éclairage qui mériterait d’être approfondi au niveau de l’école. Les étudiants prenant leurs notes à la main réussissent mieux que ceux qui écrivent au clavier (Mueller & Oppenheimer, 2014). Les auteurs interprètent ce résultat en invoquant l’effort d’écriture à la main, qui oblige les étudiants à reformuler les paroles de l’enseignant et donc à traiter l’information, alors que l’écriture au clavier, en mot à mot, ne permet pas de « prédigérer » l’information.

Par ailleurs, des recherches montrent que les textes écrits au clavier sont de moins bonne qualité. Ces résultats infirment les premières hypothèses selon lesquelles, écrire au clavier était plus aisé pour les enfants, cette simplification au plan moteur étant supposée libérer l’attention des élèves pour qu’ils puissent se concentrer sur le contenu du texte à écrire, et ainsi produire un texte de meilleure qualité que s’il avait été écrit à la main.

Ainsi, ces premières recherches suggèrent que la simplicité motrice du clavier pourrait ne pas être forcément un avantage dans les apprentissages.

Écrire au clavier ?

Malgré les réserves de certaines recherches, l’apprentissage de l’écriture sur clavier n’est pas à exclure et peut s’articuler avec l’écriture manuscrite. En effet, chacun peut désormais être amené à écrire au clavier : cela doit donc être enseigné aux élèves. À ce jour, très peu d’études s’intéressent aux modalités de cet enseignement et à leur impact.

Les applications numériques existantes pour l’apprentissage de l’écriture au clavier par les enfants sont plutôt conçues sous forme de jeux afin d’entraîner certaines habiletés comme la vitesse d’écriture ou la localisation de lettres sur le clavier.

Le numérique dans les apprentissages

Peu d’études ont porté sur les apports du numérique dans les apprentissages de la production d’écrits. De premières recherches semblent montrer des effets positifs pour certains aspects de ces apprentissages.

Geste d’écriture

Certaines applications numériques permettent de visualiser le tracé des lettres de l’alphabet grâce à des animations afin d’aider les élèves à se représenter la dynamique et le sens du tracé. Ils peuvent ensuite le reproduire par eux-mêmes, soit sur papier, soit sur tablette selon l’outil choisi.

Un exemple : le projet Intuiscript
Ce projet, fondé sur l’usage, à l’école primaire, de tablettes équipées de stylets, a été mené en associant des acteurs de l’éducation (académie et Éspé), de la recherche et de l’entreprise. L’outil donne un feedback en direct à l’élève sur sa production manuscrite. Il tient compte de la forme mais aussi du sens et de l’ordre d’écriture, en fonction de la consigne prédéfinie par l’enseignant. Ce projet est en cours d’évaluation.

Si des études sont en cours sur le projet Intuiscript, d’autres évaluations de projets similaires ont déjà été menées, montrant une progression des élèves grâce à ce type d’applications. Cependant, le nombre d’études sur ce type d’apprentissage est encore trop faible pour tirer des conclusions.

Traitement de texte

Les études concernant l’utilisation du traitement de texte par les élèves rapportent des résultats contradictoires. Certaines y trouvent un effet positif sur la qualité des textes (comparativement à l’écriture manuelle) quand d’autres concluent à un retard dans les performances des élèves utilisant un traitement de texte.

Plus que sur le traitement de texte en tant qu’outil, cette divergence de résultats interroge les usages qui sont faits de l’outil et qui peuvent avoir des effets différents. Par exemple, dans une recherche sur la révision collaborative d’un texte échangé par mail, l’intérêt porte sur la situation d’apprentissage permise par le mail (tutorat et passage par l’écriture pour formuler des conseils) plutôt que sur l’usage du mail lui-même.

La diversité des résultats concernant l’intérêt de l’utilisation du traitement de texte pourrait également être liée aux fonctions des différents outils. Notamment, les outils proposant des fonctions de planification et de structuration du texte semblent montrer leur efficacité dans l’apprentissage.

Enrichissement du texte

Une étude a été menée sur la réécriture de récits de fiction, soit à partir d’une base de données informatisée de textes de littérature jeunesse, soit à partir de ressources semblables présentées sur papier. Les élèves ont plus facilement enrichi leur texte en s’appuyant sur l’outil numérique, ont apporté plus de modifications à sa structure et ont été plus enclins à inventer plutôt qu’à emprunter des éléments d’un texte existant. Une analyse sur trois ans a montré des progrès plus importants chez les élèves ayant pratiqué ce dispositif.