Inégalités d’orientation et de diplômation
Des inégalités qui viennent se rajouter aux autres


Le Cnesco a publié un rapport scientifique sur l’ampleur des inégalités sociales à l’école. Au-delà des inégalités de traitement et des inégalités de résultats, des inégalités d’orientation et de diplômation apparaissent et viennent se rajouter aux autres.

 

Le collège fait évoluer les volontés d'orientation des élèves défavorisés

L’autocensure des familles, le contexte scolaire ségrégué et le processus d’orientation dans l’institution elle-même vont créer des inégalités d’orientation complémentaires des autres inégalités, à tous les paliers du parcours scolaire.

L’ambition des aspirations des parents en termes d’orientation pour leur enfant et surtout leur constance sont essentielles dans l’orientation. Vrignaud (Cnesco, 2016) analyse en particulier, dans la durée, comment l’aspiration pour la filière scientifique, souvent considérée comme une filière d’élite en France, va se transformer en orientation réelle pour les élèves des milieux les plus favorisés. Il montre d’abord que ce sont les parents ayant au minimum un diplôme de niveau bac qui y aspirent davantage pour leurs enfants, mais que c’est surtout « la représentation que se fait la famille des capacités de son enfant plutôt que sa réussite réelle qui a un impact ». Plus précisément, 80 % des parents qui expriment une intention d’orientation en filière scientifique pour leur enfant à l’entrée en 6e renouvellent ce choix en 3e et voient effectivement leur enfant entrer en 1re S. En comparaison, les parents qui avaient choisi un baccalauréat en 6e mais qui n’avaient pas spécifié la voie du baccalauréat ni la filière sont seulement 26 % à voir leur enfant accéder à une 1re S.

Le collège fait monter le déterminisme social dans les choix d’orientation. Les vœux des familles en troisième montrent que le collège a une influence forte sur les aspirations des élèves : il fait évoluer les aspirations des élèves défavorisés vers des choix « plus réalistes » (par opposition aux « métiers rêvés » (pilote, artiste, …)) ou des métiers « plus stables », et accentue la corrélation entre le milieu social et les aspirations.

L'orientation diffère selon la catégorie sociale des élèves

Les inégalités sociales d’orientation ont leur vie propre. Elles se cumulent avec celles des résultats scolaires. Ainsi, la probabilité d’accéder à une seconde générale ou technologique est deux fois plus importante pour un élève issu de milieu favorisé que pour un élève issu de milieu défavorisé (à notes égales obtenues au contrôle continu en français et en mathématiques, DEPP).

Entre 2000 et 2012 l’équité dans l’orientation entre les élèves n’a pas évolué positivement. Les orientations en fin de troisième sont toujours fortement expliquées par la PCS des familles mais surtout par le niveau des acquis en classe de 6e des élèves (Caille, 2014, in Vrignaud, Cnesco, 2016). Le niveau de diplôme élevé de la mère (au moins le bac) est toujours explicatif d’un accès en seconde générale et technologique, sans redoublement, et le niveau de diplôme du père devient plus important pour les niveaux d’éducation plus élevés.

Le baccalauréat n'est pas le même pour tous

L’objectif fixé de 80 % d’une classe d’âge possédant le niveau baccalauréat masque la réalité des inégalités sociales de diplomation. Il existe une hiérarchie entre les voies générale, technologique et professionnelle et au sein des voies. C’est entre les filières que se joue la hiérarchie. À ce titre, la filière scientifique de l’enseignement général est considérée comme étant une « voie royale ».

Le rapport du Cnesco montre que cette hiérarchie entre les trois voies, et, dans la voie générale, entre les filières, n’a pas évolué sur les 30 dernières années (Ichou, Cnesco, 2016).

De fortes inégalités sociales d'insertion dans l'enseignement professionnel

À diplôme de la voie professionnelle équivalent, selon leur milieu social, les jeunes ne sont pas égaux face à l’insertion dans la vie active.

La contribution de Di Paola, Jellab, Moullet, Olympio et Verdier (Cnesco, 2016) montre que, après trois ans de vie active pour les bacheliers professionnels, la différence des taux de chômage entre enfants de cadres et enfants d’ouvriers est de 6 points (17 % contre 23 %) avec un écart plus important pour les bacheliers tertiaires (16 % contre 26 %). Pour les CAP-BEP, ces inégalités de rendement social des diplômes existent également et se sont accrues depuis la crise économique de 2008.

Contributions citées