Perception du redoublement


Enquête

La parole des élèves est souvent peu analysée dans la recherche. Pour combler cette lacune, le Cnesco a mené en novembre 2014 une étude auprès de plus de 5 000 collégiens et lycéens pour les interroger sur leur perception du redoublement.

 

Le redoublement : qu’en pensent les collégiens et les lycéens ?

Malgré un attachement fort à cette pratique pédagogique fortement banalisée en France, les réponses des élèves mettent en évidence des effets psychologiques négatifs en termes de motivation et de confiance en soi. L’expérience du redoublement par les redoublants eux-mêmes apparaît sur certaines dimensions très négatives. Les élèves adhèrent à la recherche de solutions alternatives.

Un fort attachement des élèves au redoublement, une perception positive de son utilité, surtout parmi les lycéens, les filles et les « bons élèves »

  • 69 % des lycéens et des collégiens se déclarent plutôt ou tout à fait défavorables à la suppression du redoublement ;
  • 80 % des élèves perçoivent le redoublement comme une seconde chance ;
  • 73 % le considèrent comme utile pour améliorer leurs résultats scolaires.

Ces réponses moyennes cachent des variations selon les profils des élèves. Ainsi, cette adhésion au redoublement est plus particulièrement marquée chez les lycéens, en liaison certainement avec l’existence au lycée d’un redoublement lié aux stratégies d’orientation pour lequel élèves et parents sont les principaux demandeurs.

  • La probabilité de percevoir le redoublement comme une chance est 43 % plus élevée lorsque l’élève est un lycéen par rapport à un collégien, toutes choses égales par ailleurs ;
  • les collégiens adhérent 1,8 fois plus à la proposition de supprimer le redoublement que les lycéens.

L’adhésion au redoublement est aussi beaucoup plus marquée chez les filles que chez les garçons.

  • La probabilité de penser que le redoublement est une chance est 74 % plus élevée lorsque l’élève est une fille par rapport à un garçon ;
  • à l’opposé, être un garçon plutôt qu’une fille est associé à des probabilités plus élevées de considérer le redoublement comme une perte de temps (45 % plus élevée), une sanction (75 %) ou de soutenir sa suppression (41 %).

De même, la perception du redoublement varie selon le niveau scolaire des élèves, tel qu’eux-mêmes le déclarent. La perception du redoublement par les élèves qui se rangent eux-mêmes parmi dans les « meilleurs élèves » est davantage positive. Plus le niveau scolaire auto-déclaré est élevé, plus la perception du redoublement est positive.

  • Se considérer comme étant parmi les élèves ayant des difficultés plutôt que parmi les élèves moyens est associé à une probabilité 1,3 fois supérieure de penser que le redoublement est une perte de temps ou une sanction.

À l’opposé, les réponses apportées par les élèves ne révèlent pas sur ces points de différences notables entre les élèves redoublants et non redoublants.

Une vision négative, par les élèves, des effets psychologiques du redoublement

Si l’adhésion au redoublement est forte chez les élèves, notamment parmi les lycéens, les filles et les jeunes qui se perçoivent comme de bons élèves, une large majorité des lycéens et collégiens met aussi en évidence des effets psycho-sociaux négatifs puissants, attachés à cette pratique pédagogique.

  • 64 % des lycéens et collégiens sont tout à fait ou plutôt d’accord avec le fait que le redoublement démotive ;
  • pour 64 % des élèves, le redoublement diminue la confiance en soi ;
  • 59 % considèrent qu’il entraîne un sentiment d’infériorité ;
  • la crainte la plus forte, s’ils devaient redoubler, et partagée par les trois quarts des élèves, est d’une part de décevoir ses parents (77 %) et d’autre part de ne plus être avec ses amis (76 %).

Cette perception négative des effets psychologiques du redoublement est nettement renforcée pour les élèves qui se classent eux-mêmes parmi ceux présentant des lacunes dans de multiples matières.

  • Se considérer parmi les élèves ayant des difficultés dans plusieurs matières plutôt que les élèves moyens est associé à une probabilité 1,4 fois plus élevée de penser que le redoublement démotive ;
  • être non-redoublant plutôt que redoublant est associé à des probabilités plus élevées de la perception négative du redoublement (démotivation, réduction de la confiance en soi, sentiment d’infériorité, peur de perdre ses amis ou de décevoir ses parents).

L’expérience du redoublement par les redoublants eux-mêmes se révèle globalement ambivalente et, sur certaines dimensions, fortement négative

Les élèves redoublants associent l’année de redoublement à des efforts renforcés en termes de travail personnel et un encadrement familial plus présent, conduisant, selon eux, à des résultats scolaires plus satisfaisants

  • 67 % des redoublants déclarent s’être « plus investis dans leur travail l’année de leur redoublement » ;
  • pour 56 % d’entre eux, les parents se sont « plus investis dans le suivi de leur travail scolaire »;
  • 71 % des lycéens et collégiens sont tout à fait ou plutôt d’accord avec l’affirmation : « J’ai eu de meilleurs résultats l’année redoublée ».

L’adhésion à la décision du redoublement, elle-même, n’est cependant pas largement partagée par les élèves redoublants, notamment les collégiens.

  • 44 % des collégiens redoublants ne sont pas d’accord avec « cette décision était juste » ;
  • seuls 48 % des élèves redoublants se disent « satisfaits de la décision ».

Certaines dimensions du redoublement sont vécues très négativement par les élèves redoublants.

  • « Refaire les mêmes programmes » a été perçu comme « ennuyeux » par 59 % d’entre eux ;
  • 62 % étaient « tristes » de « ne plus être avec leurs amis ».

À noter : un nombre non négligeable d’élèves redoublants porte un regard alarmant sur les effets du redoublement.

  • 35 % des redoublants disent avoir eu « envie d’arrêter l’école à cause du redoublement » ;
  • 33 % affirment qu’ils ne se sont « pas bien intégrés dans la nouvelle classe l’année de leur redoublement » ;
  • pour 26 %, « les autres élèves se sont moqués d’eux parce qu’ils avaient redoublé ».

Les élèves adhèrent à l’existence d’alternatives au redoublement

  • 67 % des élèves sont favorables à la mise en place de « stages de soutien pendant les vacances » scolaires afin d’éviter le redoublement ;
  • pour éviter de redoubler, 57 % des redoublants auraient « préféré des examens de rattrapage » et 53 %  des cours de soutien.