Les préconisations phares du Cnesco

Des préconisations pour une politique ambitieuse de formation continue des personnels d’éducation

Éclairé par les rapports scientifiques produits par les chercheurs, par les expériences internationales présentées en séances plénières et par le travail collectif de près de 180 acteurs et décideurs de la communauté éducative, le Cnesco présente ses préconisations pour relever le défi d’une politique de formation continue effective et efficace pour plus d’un million de personnels de l’Éducation nationale.


Inciter les personnels à s’engager dans la formation continue

  • Pour les formations courtes : définir un crédit-temps annuel de formation continue individuelle ou un équivalent sous forme d’indemnités garanti à chaque personnel et modulable selon des tranches d’expérience professionnelle (par exemple un volume horaire plus élevé en début de carrière).

  • Pour les formations longues ou de seconde carrière : octroyer des crédits-temps pluriannuels destinés à la formation continue individuelle pour des projets à volume horaire conséquent, notamment diplômants, validés par la hiérarchie, en intégrant des modalités diverses (décharges de service, congés pour études ou trimestres sabbatiques).

  • Garantir un crédit-temps de formation continue aux EPLE, en fonction des besoins des enseignants et des résultats des élèves, pour encourager et assurer les demandes de formations d’initiatives locales (FIL) qui nécessitent un travail administratif important de la part des chefs d’établissement.

💡Ils l’ont fait à l’étranger

En Écosse, depuis l’adoption du « Teachers Agreement » en 2001, les enseignants bénéficient d’un quota de 35 heures de formation obligatoire par an.

En Estonie, chaque enseignant établit, dans un volant de 160 heures de formation qui lui sont proposées sur cinq ans, un plan de perfectionnement en lien avec celui de son établissement. Les collectivités locales, des hautes écoles, des organismes privés ou des associations proposent également des prestations. Leur financement centralisé laisse les acteurs libres de leurs priorités.

En Finlande, les enseignants doivent suivre au minimum 3 jours de formation par an.

En Ontario, les enseignants bénéficient de 6 jours annuels de formation.

À Singapour, les enseignants disposent d’un crédit annuel de 100 heures de formation facultatives prises en charge.

  • Connaître les besoins des personnels : multiplier les enquêtes de terrain, mettre en place un guichet unique pour chaque académie vers lequel convergerait un canal de remontée des attentes individuelles et collectives en matière de formation continue.

  • Dans le premier degré, ouvrir aux directeurs d’école, qui connaissent bien les besoins de leurs collègues et échangent avec eux, la possibilité de faire des demandes de formation au niveau de l’école ou de plusieurs écoles aux besoins proches. Généraliser dans les ordres du jour des conseils des maîtres un volet concernant les besoins en formation continue collective identifiés.

  • Dans le second degré, prévoir une présentation systématique du plan de formation des personnels de l’établissement lors d’une séance annuelle du conseil d’administration, comme c’est le cas pour les établissements médico-sociaux ou pour les Greta.

💡Ils l’ont fait à l’étranger

Les communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) ont été implantées principalement dans le monde anglo-saxon depuis les années 1990. Elles ont été expérimentées en Ontario depuis le début des années 2000, puis introduites au Québec quelques années plus tard.

Les communautés d’apprentissage professionnelles ont été conçues pour aider des groupes d’enseignants à analyser les résultats des apprentissages de leurs élèves afin de développer collectivement des pratiques pédagogiques visant à enrichir les apprentissages de tous leurs élèves. En particulier, les enseignants utilisent des pratiques communes d’évaluation et les résultats des apprentissages des élèves permettent d’identifier les prochains éléments de programme à enseigner. Les enseignants y développent un répertoire commun de pratiques d’enseignement, d’évaluation des apprentissages et d’analyse des acquis des élèves dans des disciplines comme la lecture, l’écriture ou les mathématiques, ce qui favorise l’adaptation de leurs pratiques pédagogiques en fonction des besoins de leurs élèves. Les enseignants qui participent à une CAP enrichissent ainsi leur expertise et rehaussent leur autonomie professionnelle. (St-Cyr, Cnesco, 2021).

Créer un écosystème institutionnel favorable à la qualité des formations

  • Recruter, former et déployer de manière effective des RH dédiées à la formation continue, en proximité des établissements, en permettant financièrement aux académies de mettre en place des services à la hauteur des promesses portées par la réforme récente.

  • Constituer dans le second degré des équipes d’accompagnement des personnels et des équipes éducatives en formation continue autour des personnels d’inspection à l’instar des conseillers pédagogiques de circonscription (CPC) pour les inspecteurs du 1er degré (IEN).

  • Sanctuariser une partie du temps de travail des conseillers pédagogiques de circonscription sur la formation continue.

  • Renforcer les brigades de remplacement des enseignants dans le 1er degré pour leur permettre un départ en formation.

  • Définir une maquette nationale (et non locale) de formation des formateurs académiques incluant la possibilité d’intégrer des spécificités liées aux contextes locaux (par exemple pour les Outre-mer).

  • Définir et mettre en œuvre des politiques de grande ampleur de formation continue des formateurs en fonction des priorités nationales et académiques (prévoir des décharges de service).

  • Créer un vivier national de formateurs pour les formations rares.

  • Unifier les applications informatiques dédiées à la formation continue afin de constituer un guichet d’entrée unique dans la formation que ce soit pour la consultation de l’offre de formation, les inscriptions et demain, les évaluations.

  • Développer l’ergonomie des outils en intégrant les besoins concrets des utilisateurs et non les contraintes de l’administration, par exemple compléter les informations sur l’offre de formation en indiquant le lieu de la formation en amont de l’inscription.

  • Évaluer les actions de formation continue sur différentes dimensions (incluant les évolutions de pratiques professionnelles et les résultats des élèves), par des équipes mixtes (l’évaluation interne, à l’auto-évaluation et à l’évaluation externe).

  • Développer des démarches d’auto-évaluation des personnels à l’échelle individuelle et des collectifs de travail.

Enrichir la formation continue grâce à la recherche pour soutenir des communautés apprenantes

Chaque personnel doit pouvoir suivre au moins un nouveau diplôme universitaire dans sa carrière (10 000 congés de formation professionnelle chaque année contre moins de 2 500 aujourd’hui).

La participation à des projets de recherche par des équipes composées de chercheurs et de praticiens de l’Éducation nationale permettrait la mise en contact directe des personnels avec la recherche et ses investigations de terrain, sur des thématiques qui interrogent leur établissement.

Ces établissements apprenants seraient soutenus par des laboratoires, sur le modèle japonais des lesson studies.

💡Ils l’ont fait à l’étranger

Historiquement développé en Asie et au Japon en particulier, le modèle des lesson studies s’est ensuite largement généralisé dans certains pays anglo-saxons, comme un mode alternatif de formation continue aux pratiques traditionnelles de cours ex cathedra. Ce modèle de formation permet d’intégrer au quotidien les résultats de la recherche la plus récente.

Dans une première phase, des enseignants construisent ensemble la meilleure séance possible sur un thème donné, en lien avec les résultats issus de la recherche, pour que, dans un deuxième temps, l’un d’entre eux la mette en œuvre avec ses élèves. Après observation et analyse de la séance, les enseignants se réunissent à nouveau : celui qui l’a animée s’exprime le premier, puis ses collègues présentent chacun à leur tour leurs propres analyses. Le groupe prend alors en compte les retours effectués afin d’améliorer la séance dans un nouveau processus collectif, ou tout simplement pour appliquer individuellement les enseignements tirés.

Soutenir les publics les moins expérimentés par des accompagnements dédiés

💡Ils l’ont fait à l’étranger

En Écosse, les futurs enseignants ont une période d’un an après leur formation initiale au cours de laquelle ils peuvent choisir de suivre le programme « Teacher Induction Scheme » (TIS) ou « Flexible Route » qui est plus adapté à certains cas particuliers (temps partiel, école privée…). Au début de l’année, ils élaborent avec un tuteur un programme d’action de développement professionnel qui doit leur permettre de valider des compétences professionnelles. Ils consacrent 80 % de leur emploi du temps à l’enseignement et 20 % au développement professionnel, ce qui correspond à 4h30 par semaine. Le temps consacré au développement professionnel peut prendre diverses formes comme du travail collaboratif, des observations d’enseignants plus expérimentés, des auto-évaluations, des discussions avec leur tuteur ou des actions de formation continue.

Ces programmes s’adresseraient prioritairement aux contractuels, professeurs de LP et plus largement les personnels entamant une seconde carrière : ces programmes seront particulièrement présents dans les territoires les plus défavorisés qui accueillent souvent davantage de contractuels.

Valoriser la formation continue dans la carrière des personnels

Chaque personnel doit pouvoir profiter d’un applicatif permettant de visualiser son parcours de formation continue et de stocker ses ressources de formation pour son usage ou le partage avec d’autres collègues.

Les professionnels doivent pouvoir exprimer leurs besoins et valoriser leur engagement dans la formation continue lors de ces rendez-vous.

Les compétences développées en formation continue ont vocation à être partagées dans les établissements (par exemple au sein d’équipes disciplinaires ou interdisciplinaires, ou par du tutorat). Ces missions seraient adossées à des indemnités de missions particulières (IMP). Mettre en place dans l’enseignement primaire une organisation proche dans ses objectifs, adaptée à ce contexte d’enseignement.