ENJEUX DE L’ÉVALUATION EN CLASSE

Quels sont les effets psychosociaux d’une évaluation qui favorise la comparaison entre élèves ?

Fabrizio Butera, université de Lausanne (Suisse)

À retenir

Fabrizio Butera analyse les effets psychosociaux de l’évaluation normative. Ce type d’évaluation, le plus mobilisé dans tous les systèmes éducatifs, consiste à attribuer une valeur à la production des élèves, permettant ainsi de comparer et de classer les productions et de sélectionner les élèves. Il fonde sa légitimité sur le principe d’équité, base de l’idéologie méritocratique. Cet ensemble cohérent de représentations sur les fonctions et les valeurs de justice de l’école, véhiculé par l’évaluation normative, entraîne des effets psychosociaux négatifs.

• L’évaluation normative réduit le sentiment d’autonomie et la motivation intrinsèque des élèves, comparativement à l’absence d’évaluation ou à une évaluation formative (visant la transmission de savoirs et de compétences). La motivation intrinsèque est la forme de motivation la plus recherchée à l’école, puisqu’elle permet aux élèves de travailler de façon autonome. Or, l’évaluation normative incite les élèves à réaliser des tâches scolaires par l’intermédiaire de récompenses ou de punitions qui empêchent le développement de cette autonomie chez l’élève.

• Le recours à l’évaluation normative nuit également au développement de compétences sociales de la part des élèves et, ce faisant, à leurs performances scolaires. En effet, dans le cadre d’un travail de groupe, la mise en place d’une évaluation valorisant la réussite individuelle pousse ses membres à la rétention d’informations, à la transmission d’informations servant leur propre intérêt et à l’absence de coordination, là où des attitudes inverses auraient été nécessaires à la résolution de la tâche.

• Couplée à la fonction de sélection de l’école, l’évaluation normative perpétue les inégalités qui existent par ailleurs dans le système scolaire. L’hégémonie de cette finalité sélective incite les enseignants à attribuer plus d’erreurs aux élèves d’origine sociale défavorisée qu’à ceux issus d’une classe favorisée, malgré des copies identiques. En outre, à niveau scolaire équivalent, ils orientent plus souvent les élèves défavorisés vers des filières moins exigeantes.


Quelles sont les nouvelles conceptions de l’évaluation en classe ?

Lucie Mottier Lopez, université de Genève (Suisse)

À retenir

Lucie Mottier Lopez présente les reconfigurations conceptuelles de la littérature actuelle pour dépasser la dichotomie entre évaluations formative et sommative.

• Les travaux de Bloom et al. (1971) ont mis en exergue la distinction entre évaluations formative et sommative. 

L’évaluation formative vise à soutenir les apprentissages des élèves. Elle permet de repérer les problèmes d’apprentissage et d’enseignement et de délivrer des feedbacks pour réguler l’enseignement et favoriser l’autorégulation de l’élève. Elle est caractérisée par le droit à l’erreur, la collaboration et la transparence entre l’enseignant et l’élève. Elle ne fait pas nécessairement l’objet d’un cadre formel, d’une note ou d’une trace.

L’évaluation sommative vise à prendre des décisions qui servent à reconnaître institutionnellement les acquis des élèves. Elle est caractérisée par une logique de sélection et de compétition, la sanction de l’erreur et des intérêts divergents entre l’enseignant et l’élève qui gagne à « faire illusion ».

La tendance dans la littérature actuelle vise à réconcilier ces deux types d’évaluation :

• Dans la littérature francophone, des chercheurs développent des réseaux conceptuels autour de cette dichotomie permettant une spécification plus accrue des différentes fonctions de l’évaluation et de leurs interactions.

• Dans la littérature anglophone, des chercheurs proposent de centrer la réflexion autour de la finalité éducative de l’évaluation. Ils identifient plusieurs enjeux pour répondre à cette finalité, tels que : l’intégration de l’évaluation dans la nature des tâches proposées aux élèves, la mise en place de rétroaction, l’implication active de l’élève dans son évaluation, son autorégulation et son orientation, etc.