Politiques de recrutement


Le Cnesco a publié un rapport scientifique sur l’attractivité du métier d’enseignant. Ce rapport propose une analyse dans le temps des politiques de recrutement des 20 dernières années, marquées par de fortes fluctuations selon les périodes.

 

Recrutement : pas de crise d’attractivité avérée sur le long terme

Des niveaux de recrutement inégaux durant les 20 dernières années

Les analyses portant sur une perspective historique longue montrent un décalage dans le temps entre l’afflux des candidats et l’ouverture de postes aux concours.

Durant les 20 dernières années, dans le premier comme dans le second degré, les politiques de recrutement ont connu de nombreuses fluctuations. Le rapport du Cnesco montre que la fluctuation des recrutements entraîne, mécaniquement, une fluctuation du nombre de candidats souhaitant devenir enseignants. Cependant, le nombre de candidats présents aux concours ne semble pas montrer, de manière globale, un épuisement du vivier des potentiels futurs enseignants.

Zoom sur... la politique des 60 000 postes d'enseignants

  • 60 000 postes créés entre 2012 et 2017, dont 54 000 dans l’Éducation nationale

Depuis 2012, le recrutement du nombre d’enseignants a nettement augmenté. D’ici 2017, 54 000 postes seront créés dans l’Éducation nationale, 1 000 dans l’enseignement agricole et 5 000 dans l’enseignement supérieur. L’objectif des 60 000 créations de postes devrait donc être atteint.

  • Une répartition presque équivalente entre 1er et 2nd degrés

Sur les 60 000 postes d’enseignants créés, 39 % sont dédiés au premier degré et 36 % au second degré (MENESR)

  • 13 % de postes non pourvus entre 2012 et 2015

Entre 2012 et 2015, selon la Cour des comptes, 31 000 postes ont déjà été créés, mais 4 000 d’entre eux (soit 13 %) n’ont pas été pourvus. Ce manque de postes pourvus est surtout marqué en 2013 (3 917). Les années 2014 et 2015 n’ont pas permis de rétablir la situation.

 

Des recrutements inconstants créant des difficultés d'attractivité

Les politiques de recrutement apparaissent comme fluctuantes dans le temps. Une baisse durable suivie d’une augmentation soudaine des recrutements contribuent à alimenter, mécaniquement, l’effet de crise du recrutement.

Les difficultés sectorielles rencontrées, au-delà d’un éventuel phénomène structurel, pourraient ne révéler qu’un effet conjoncturel consécutif aux à-coups dans la gestion des recrutements.

Moins qu’une perte d’attractivité, la politique de recrutement par à-coups produit un désajustement qui interroge sur la possibilité d’un meilleur lissage des recrutements en fonction des besoins démographiques.

Le recrutement ne suit pas mécaniquement les besoins démographiques

Lorsque que l’on met en regard l’évolution du nombre d’enseignants et du nombre d’élèves sur les 20 dernières années, il apparaît que le recrutement des enseignants n’a pas suivi mécaniquement les évolutions démographiques.

Dans le premier degré, les données montrent une augmentation du nombre d’enseignants par rapport au nombre d’élèves, particulièrement marquée dans les années 90 et stabilisée depuis le début des années 2000.

Dans le second degré, le nombre d’élèves a chuté de façon régulière entre 1993 et 2009. Pourtant, la population d’enseignants a continué à augmenter jusqu’en 2003, avant de diminuer largement jusqu’à la fin des années 2010. Aujourd’hui, la population d’enseignants semble stabilisée, même si le nombre d’élèves a, de nouveau, augmenté.

Pas de fuite des futurs enseignants vers le privé

L’analyse des données montre que les difficultés sectorielles de recrutement observées ne s’expliquent pas par une fuite des futurs enseignants vers le privé. En effet, sur les dix dernières années, le nombre de candidats au concours du second degré privé a, lui aussi, nettement chuté.

Ainsi, en 2006, le concours du second degré privé recevait plus de 6 candidats par poste. En 2016, le nombre de candidats par poste a été divisé par deux, à hauteur de 3,4 (DGRH-MENESR). Cependant, malgré cette baisse d’attractivité, l’ensemble des postes offerts sur les disciplines habituellement déficitaires sont pourvus.

Un concours de plus en plus ouvert à de nouveaux publics

Un fort développement des secondes carrières vers l’enseignement

Si les étudiants sont toujours majoritaires parmi les admis au concours d’enseignant, le métier d’enseignant semble attirer de plus en plus de nouveaux profils.

En effet, en 2015, 25 % des admis au concours de professeur des écoles étaient salariés du public et du privé ou demandeurs d’emploi. Ils étaient 16 % dans le secondaire (DEPP).

Cette proportion est en nette hausse ces dernières années. Ainsi, si l’on considère les seuls salariés du secteur privé ou public présentant un concours de professeur des écoles, ils représentaient 8,4 % des admis en 2005, contre 14,9 % en 2015.

Une meilleure réussite au concours pour les étudiants en Espé

La formation en Espé apparaît comme le meilleur gage de réussite (particulièrement dans le 1er degré), puisque ces candidats voient presque doubler leurs chances par rapport aux autres candidats. Cependant, on note que plus de la moitié des étudiants en Espé sont néanmoins recalés au concours.

Des académies en grande difficulté de recrutement

Une pénurie de candidats dans le premier degré dans certaines académies

Des écarts très élevés du nombre de candidats par poste sont observés dans les différentes académies. Ainsi, en 2015, 4,9 candidats se sont présentés pour un poste au concours externe de professeur des écoles dans l’académie de Rennes contre 1,3 dans l’académie de Créteil.

Les académies dont l’attractivité apparait plus faible sont souvent celles qui ont le plus besoin de recruter. Dans le premier degré, en 2015, un recrutement sur quatre a été fait dans les académies de Créteil et Versailles.

Ces contraintes ont des conséquences directes sur le taux de sélectivité au concours. Ainsi, en 2015, dans l’académie de Rennes, seuls 20 % des candidats ont été admis, alors que l’académie de Créteil a reçu 61 % de ses candidats.

Ces résultats se retrouvent également dans les seuils d’admission au concours. En 2015, le dernier candidat admis en liste principale a obtenu 8/20 dans l’académie de Créteil, 9,3/20 dans l’académie de Versailles contre 13,5/20 dans l’académie de Rennes (DEPP).

Les académies d’outre-mer, à l’exception de la Guyane, ont peu de difficultés de recrutement et ont parmi les meilleurs ratios du nombre de candidats par poste.

Zoom sur... le concours supplémentaire de l'académie de Créteil

En 2016, 24 % des postes de l’académie de Créteil n’ont pas été pourvus dans le cadre du premier concours, alors que ce n’est le cas que de 5 % des postes en moyenne nationale (DGRH-MENESR). Pour faire face à cette difficulté, vérifiée depuis plusieurs années, l’académie de Créteil a organisé, en 2016, comme en 2015, un concours supplémentaire (500 postes) afin de combler les postes non pourvus.

L’objectif d’un concours supplémentaire consiste, avant tout, à recruter à hauteur des besoins, mais aussi à atténuer le risque d’un abaissement critique des seuils d’admission.

Une trés forte demande de mutations

Dans le premier degré, le département de Seine-Saint-Denis a connu, en 2016, plus de 2 000 demandes de mutations hors du département (soit 21 % des enseignants) et seulement 29 demandes d’entrée dans le département (DGRH-DEPP). La problématique est similaire dans les Hauts-de-Seine, où 17 % des enseignants (1 300 demandes) ont demandé leur mutation, pour seulement 106 demandes d’entrée.

Dans le second degré, les académies déjà déficitaires, subissent également une forte demande de mutations. En effet, les jeunes professeurs affectés sur leur premier poste dans des académies qu’ils n’ont pas choisies demandent à être mutés dès que possible.

Ainsi, les académies de Versailles et Créteil ont, respectivement, entre 20 et 30 fois plus de demandes de départ que de demandes d’entrée de titulaires.

Cela génère un turnover important qui contribue à déstabiliser les équipes pédagogiques.

Une pénurie d’enseignants dans certaines disciplines

Si la France n’est pas atteinte par une pénurie globale du recrutement, de vraies disparités apparaissent entre les disciplines du second degré.

Ainsi, en 2015, il y avait 1,6 candidat par poste au Capes externe de mathématiques contre 6,5 en sciences économiques et sociales.

En 2016, six  disciplines n’ont pas vu tous leurs postes pourvus au Capes externe. Si dans certaines disciplines (comme l’Histoire-Géographie ou l’EPS), l’ensemble des postes proposés ont été pourvus, dans d’autres disciplines centrales,  où les besoins en enseignants sont très importants (mathématiques, lettres modernes, anglais), tous les postes n’ont pas été couverts.

Dans les disciplines professionnelles, les difficultés de recrutement sont également marquées avec 14 % de postes non pourvus au concours de professeur de lycée professionnel (DGRH, 2016).

Zoom sur... les disciplines qui ont des difficultés de recrutement

Selon les disciplines, les causes des difficultés de recrutement apparaissent très variées, selon un rapport IGAENR de 2013 et les analyses du Cnesco sur les comparaisons de niveaux de salaires entre enseignants et non enseignants.

  • Mathématiques

Les difficultés de recrutement d’enseignants en mathématiques s’expliquent par la concurrence avec les autres métiers possibles après des études scientifiques et la différence de rémunération avec ceux-ci, ainsi que sur montée en puissance de formations extérieures à l’université comme les classes préparatoires et les écoles d’ingénieurs.

  • Anglais

Le développement d’une offre de Masters spécialisés en anglais, aux débouchés attractifs, a entraîné une diminution du vivier de candidats aux postes d’enseignants en Anglais.

  • Lettres modernes

Le recrutement d’enseignants en Lettres modernes est devenu progressivement plus difficile à cause d’une diminution des effectifs de la filière L du baccalauréat. De plus, les étudiants en lettres s’orientent davantage vers le concours de professeurs des écoles (1er degré).

Une attractivité qui diffère selon les concours

L’accès au métier d’enseignant est caractérisé par une multitude de concours différents. Certains sont nettement plus attractifs que d’autres.

Ainsi, en 2015, dans le second degré, il y avait deux fois plus de candidats par poste au concours de l’agrégation (5,9) qu’au Capes (2,7) (DEPP). Cette différence se vérifie dans les matières déficitaires comme les mathématiques (1,7 candidat par poste au Capes, contre 4,3 à l’agrégation) ou les lettres modernes (1,4 contre 5,3).

En parallèle des concours externes, des concours internes à la fonction publique sont organisés (à destination des fonctionnaires et des enseignants non-titulaires depuis plus de 3 ans). Les concours internes reçoivent de nombreuses candidatures et permettent, généralement, de couvrir les postes offerts.

Des à-coups dans le recours aux enseignants non-titulaires

Dans les années 1970, la France faisait largement appel à des enseignants non-titulaires, non-formés, à hauteur de 18 % du corps enseignant du second degré. Ces pratiques ont nettement diminué depuis le début des années 1980.

Depuis 20 ans, le système fonctionne grâce à un taux de non-titulaires inférieur à 10 % mais au mouvement très erratique en fonction des plans d’intégration des contractuels.