Comparaisons internationales


Comparaisons internationales
Janvier 2018

Après des années de Bac bashing – jugé par ses détracteurs comme trop cher, trop complexe à organiser pour les établissements scolaires, trop stressant pour les élèves -, la réforme de notre monument national est sur les rails.

Le modèle du bac français s’est imposé dans les pays de l’OCDE

Premier constat, au vu des comparaisons internationales : le baccalauréat n’est pas une spécificité française. Aujourd’hui, dans les pays de l’OCDE, une très grande majorité des systèmes éducatifs pratiquent un examen national externe à la fin du second cycle du secondaire pour certifier le niveau des élèves qui quittent le système scolaire. Mieux, ce modèle du baccalauréat français – des sujets d’examen et des corrections indépendants de l’établissement – s’est développé dans l’OCDE depuis 15 ans. Au milieu des années 1990, la très grande majorité des pays laissaient à leurs lycées la possibilité de délivrer un titre certificatif « maison » uniquement fondé sur le contrôle continu en cours d’année par les enseignants. Désormais, le modèle français du baccalauréat est devenu dominant dans l’OCDE.

 De multiples facteurs convergent pour expliquer cette généralisation des examens externes en fin de secondaire. Leur intérêt principal est de permettre une évaluation des acquisitions réelles des élèves qui soit de plus harmonisée au niveau national. Dans un contexte de démocratisation de l’enseignement scolaire et du supérieur, de mobilités croissantes nationales et internationales des jeunes et face à un développement économique qui requiert des ressources humaines de plus en plus qualifiées, les exigences sociales des universités, des entreprises et des parents de plus en plus éduqués se sont conjuguées pour à la fois mieux connaître et certifier les compétences des élèves. Dans les pays où l’équivalent du bac n’existe pas (les USA, le Japon…), des tests standardisés, souvent payants, sont imposés aux futurs étudiants à l’entrée dans les universités. On notera que à l’étranger aussi (Angleterre, certaines filières universitaires sélectives suisses…), les résultats du bac français (notes et mentions), servent à sélectionner les étudiants français qui candidatent à ces formations au-delà des frontières nationales. Paradoxe : dans leur processus de sélection, certaines universités étrangères savent utiliser les résultats du bac français, très peu exploité en France dans l’enseignement supérieur.

Bac et réduction des inégalités scolaires

Cette mutation importante des systèmes scolaires a été examinée par les chercheurs. Ils ont montré que ces examens standardisés en fin de lycée ont des effets bénéfiques sur les apprentissages des élèves et surtout diminuent significativement les inégalités sociales à l’école. Par quel processus ? Obligés de faire passer un examen national à leurs élèves, les enseignants des lycées les moins favorisés socialement s’adaptent aux exigences et au niveau national.

Un examen trop complexe construit par sédimentation historique

Reconnaitre les forces de notre examen national ne signifie pas que cette certification ne doive pas évoluer. Construit par sédimentation et cumulant aujourd’hui les épreuves phare de chaque période – de la philosophie, historique, aux toutes récentes épreuves comme l’« épreuve expérimentale » en filière scientifique qui met en jeu la compréhension de protocoles scientifiques, le bac est devenu complexe et chronophage à organiser. Faire peau neuve est nécessaire pour l’examen national.

Mais le débat actuel se focalise bien souvent aujourd’hui sur le nombre de disciplines passées au bac, alors que la réflexion actuelle doit s’attacher aux attentes sociales en direction des jeunes à leur entrée dans l’enseignement supérieur mais aussi plus largement, elle doit interroger leur intégration future dans la vie économique, sociale et citoyenne. Du coup apparait la nécessité d’épreuves (écrites mais aussi orales, individuelles mais aussi collectives, conduites en présentiel ou à distance, académiques ou de conduite de projets pratiques…) qui mettent en jeu des capacités de collaboration, de développement de projets, de communication, de maitrise de compétences technologiques (compétences que l’on sait aujourd’hui évaluer en  France à distance sur de nouvelles plateformes technologiques pour les adultes).

Un bagage commun solide à la fin du lycée

Dans leur vie professionnelle, les jeunes exerceront plusieurs métiers, le bac doit aussi certifier de leur capacité à poursuivre des apprentissages tout au long de la vie, grâce à un solide bagage académique en français mais aussi mathématiques et langues étrangères. C’est ce socle commun à la fin du lycée qu’ont construit les suédois par exemple et qui se retrouve d’ailleurs dans de nombreux nouveaux bacs développés depuis les années 2000 dans les pays de l’OCDE. Une logique qui vient contrarier une spécialisation forte dans le lycée français. Dans une perspective plus visionnaire mais déjà développée à l’étranger (Canada…), construit sur des blocs de compétences (par exemple l’élève choisit de passer un niveau peu avancé, moyen ou excellent en mathématiques), l’examen de fin de secondaire peut entrer dans une logique de certification de niveau de connaissances et de compétence et sort ainsi de la logique binaire très française (l’élève a ou non le bac, l’élève dépasse ou non la fatidique moyenne de 10). Le bac doit rentrer dans la logique d’une formation qui se continue tout au long de la vie.

Bac et engagement civique

Autre sujet peu débattu: le bac peut aussi être un instrument au service de la socialisation des jeunes, de leur engagement civique, associatif… Dans un sondage mené conjointement par la Casden et le Conseil national d’évaluation du système scolaire (Cnesco), 85% des jeunes se déclarent mal préparés à la vie civique. L’abstention politique est aussi particulièrement marquée dans cette tranche d’âge. Le nouvel enseignement moral et civique (EMC) de 2015 est intégré au Brevet en fin de collège, dans les baccalauréats professionnels mais pas explicitement dans les baccalauréats généraux. Le développement des capacités d’engagement civique, associatif doit être davantage le souci du lycée, mais dans une perspective rénovée car l’appropriation de nos valeurs ne s’évaluent pas dans un devoir sur table de trois heures. Elles doivent se vivre par les jeunes. Regardons outre-atlantique où l’équivalent du bac américain inclut obligatoirement un nombre d’heures minimum d’engagement civique des jeunes dans des associations durant leur scolarité au lycée. Un exemple qui permet de ne pas alourdir le bac mais d’aider nos jeunes à construire la cohésion sociale dont nous aurons besoin demain.