Rapport scientifique


Rapport scientifique

Comment les élèves sont-ils notés à l’étranger ? Existe-t-il des pays sans notes ? Les enseignants doivent-ils harmoniser leurs évaluations dans les établissements ? Les palmarès d’élèves dans les classes sont-ils autorisés à l’étranger ? Comment les familles sont-elles informées des progressions des élèves dans les autres pays ? Y-a-t-il une exception française en matière d’évaluation des élèves ?

À l’occasion de la Conférence nationale sur l’évaluation des élèves (11 et 12 décembre 2014) lancée par le Ministère de l’Éducation Nationale, de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, le Cnesco a été sollicité, dans le cadre de ses missions, par le Comité organisateur de la Conférence, pour rédiger un rapport présentant une comparaison internationale des évaluations des élèves dans la classe.

Il s’agit d’un travail inédit : aucune comparaison internationale des réglementations de l’évaluation, dans un ensemble large géographiquement, n’avait été réalisée auparavant.

En complément de l’analyse des cadres légaux, le rapport ausculte les pratiques évaluatives des enseignants dans les classes et les établissements, en mobilisant différentes enquêtes internationales (PISA, PIRLS, TALIS).

Des singularités nationales en évaluation

           

Dans les pays de l’OCDE, les réglementations nationales en matière d’évaluation des élèves sont de plus en plus contraignantes

  • Depuis plus de 30 ans, la liberté pédagogique des enseignants s’est trouvée progressivement encadrée par des réglementations qui se sont multipliées.

Dans les pays de l’OCDE, le développement de nouvelles normes, sous forme de programmes scolaires formulés en objectifs pédagogiques ou en standards (National curriculum en Angleterre ou Socle commun en France), a progressivement encadré l’activité évaluative des enseignants dans la classe et dans les établissements.

  • L’apparition de nouvelles normes d’évaluation a conduit à une diversification des modalités d’évaluation imposée aux enseignants.

Alors que certains pays, comme la France, privilégient les formes d’évaluations traditionnelles, comme les devoirs écrits, dont le contenu est laissé à la discrétion de l’enseignant, d’autres pays, comme l’Angleterre ou le Québec, préconisent ou imposent, dans les textes officiels, de mobiliser de nouvelles formes d’évaluations comme l’auto-évaluation, l’évaluation par les pairs ou le suivi individualisé des élèves.

La vision politique nationale de l’école conditionne le système de notation des élèves dans la classe

  • Certains pays ont supprimé les notes, notamment au primaire.

Certains pays nordiques – comme la Finlande, la Suède, le Danemark ou, dans les années 1990, le canton de Genève – ont supprimé les notes, notamment au primaire. L’interdiction des notes ne signifie pas un moindre encadrement du travail d’évaluation de l’enseignant. Au contraire, souvent, les bilans qualitatifs des élèves sont plus étoffés. Par exemple, le Danemark impose la rédaction d’un Programme individuel de l’élève : l’enseignant y consigne les forces et faiblesses scolaires de l’élève, un bilan de son développement psychologique et social, les objectifs pédagogiques que l’élève doit atteindre ainsi que les moyens et méthodes pédagogiques que lui-même mettra en œuvre pour que l’élève atteigne ces objectifs.

  • D’autres pays ont remplacé la notation chiffrée par une évaluation en niveau de performance (ex : par lettres).

En Suède, depuis 2012, les lettres A, C et E correspondent à des critères très précis de résultats et de compétences des élèves prédéfinis dans le programme scolaire suédois. L’utilisation des lettres pour évaluer les élèves correspond à des attentes précises en termes de compétences. Ce système d’évaluation peut limiter le caractère subjectif de la note chiffrée et tend à harmoniser les évaluations entre les enseignants.

  • Dans les pays restés fidèles à la notation chiffrée, les échelles d’évaluation varient fortement.

Les échelles de notation peuvent varier selon le niveau et les voies d’enseignement. En Allemagne, par exemple, au primaire et au collège, les enseignants sont tenus d’évaluer les élèves avec une échelle de 1 (très bien) à 6 (très insuffisant) ; au lycée, l’échelle de notation diffère selon les voies d’enseignement : au gymnasium, le lycée de l’élite, de 0 à 15 et dans les voies professionnelles, de 1 à 6. Au Danemark, au lycée, l’échelle de notation comprend des notes négatives, de -2 à 12. En Corée du Sud ou au Québec, les élèves sont évalués sur 100. Plus l’échelle de la notation chiffrée est étendue plus la notation est précise et traduit souvent une vision élitiste du système scolaire

  • Les notes et leur suppression suscitent des débats nationaux.

La suppression des notes suscite des débats nationaux et la réglementation en la matière peut évoluer en fonction des alternances politiques. Dans le canton de Genève, après avoir été supprimées dans les années 1990, les notes ont été réintroduites par référendum en 2006. En Suède, suite à l’alternance politique de 2006, l’échelle de notation a été modifiée, mettant fin aux mentions littéraires (de très bien à insuffisant) pour généraliser une échelle de notation élargie (A à F).

Des pratiques enseignantes qui soulèvent l’importance de la formation en matière d’évaluation des élèves et de la collaboration entre enseignants

  • Dans les pays de l’OCDE, les enquêtes internationales mettent en évidence une variété de modalités d’évaluation.

Certaines innovations, comme l’auto-évaluation des élèves ou la constitution de portfolios, ont particulièrement pénétré les classes. Certains pays sont plus avancés en la matière. En France, au collège, moins de 20 % des enseignants déclarent demander régulièrement à leurs élèves de s’évaluer eux-mêmes, contre 70% des enseignants anglais. La France est le pays de l’OCDE dans lequel les enseignants pratiquent le moins l’auto-évaluation par les élèves.

  • Bien que développée, la pratique de la collaboration entre enseignants est moins fréquente en France que dans les autres pays de l’OCDE.

En France, les pratiques de collaboration en matière d’évaluation des élèves concernent les trois-quarts des enseignants. Cependant, 20 % des enseignants de collège déclarent ne jamais coopérer dans l’instauration de barèmes communs. La France est le pays où les enseignants du premier cycle du secondaire sont les plus nombreux à déclarer ne pas coopérer en la matière. À l’opposé, en Australie, en Suède ou en Angleterre, seuls quelque 5 % des enseignants déclarent ne pas collaborer en matière d’évaluation. Dans ces pays, les politiques nationales recommandent fortement aux enseignants d’échanger pour créer des outils locaux d’enseignement (programmes et progression scolaire pour chacun des établissements…).

  • Les enseignants en France expriment un besoin de formation en matière d’évaluation des élèves légèrement plus élevé que dans les pays de l’OCDE.

En France, la proportion d’enseignants du collège déclarant un besoin important de formation continue en matière de pratiques d’évaluation des élèves est légèrement au-dessus de la moyenne des pays de TALIS (13.6 %). En revanche, ce besoin déclaré de formation ne dépasse pas 5 % en Angleterre, en Finlande ou en Australie. Le développement dans ces pays d’une politique nationale centrée sur l’évaluation dans la classe n’est certainement pas étranger à ce résultat.