État des lieux en France
sur la mixité à l'école


Rapport scientifique

Le Cnesco propose un état des lieux inédit en France sur les mixités à l’école. Ce travail, réalisé par Son Thierry Ly (Ecole d’économie de Paris, France Stratégie) et Arnaud Riegert (Ecole d’économie de Paris, Insee), a pour objectif d’éclairer le débat à l’aide de données quantitatives portant sur le parcours d’élèves de la 6ème à la Terminale. 

 

Originalité de l'étude

L’étude s’intéresse à deux sortes de ségrégation :

  • la ségrégation sociale, définie à partir de la Catégorie Socio-Professionnelle des parents. Pour cela, l’étude distingue les CSP+ des autres CSP.
  • la ségrégation scolaire, définie à partir des résultats des élèves. L’étude distingue les « bons élèves » des autres élèves.

La ségrégation sociale et la ségrégation scolaire sont elles-mêmes étudiées de deux manières :

  • la ségrégation qui existe entre les établissements ;
  • la ségrégation qui existe au sein même de l’établissement, entre les classes.

Le travail est mené à différentes échelles territoriales : nationale, académique, départementale, communale.

Une forte ségrégation sociale entre les établissements français

  • Un élève d’origine très favorisée (CSP+) a presque deux fois plus de camarades aisés dans son établissement qu’un élève des classes moyenne ou populaire.

Par exemple, en l’absence de ségrégation, parmi 110 élèves de 3ème d’un établissement, un élève aurait 24 camarades CSP+. En réalité, un collégien favorisé en compte 38 et un collégien issu de milieu intermédiaire ou défavorisé en compte 20. Une partie seulement de cette ségrégation sociale à l’école s’explique par la ségrégation résidentielle.

Ségrégation scolaire : modérée au collège, plus forte au lycée

  • Au collège, un « bon élève » a 50% de camarades de niveau scolaire similaire de plus qu’un autre élève.

Ainsi, en l’absence de ségrégation, un élève de 3ème serait avec 22 « bons élèves » de ce niveau d’enseignement. En réalité, un « bon élève » en compte 29 et un élève moyen ou en difficulté en compte 20.

  • Au lycée, la ségrégation scolaire est doublée par rapport au collège.

L’étude met en évidence une augmentation brutale de la ségrégation scolaire entre le collège et le lycée. Elle s’explique par la forte séparation, dans certains cas, entre lycées généraux et technologiques d’un côté et lycées professionnels de l’autre. A l’opposé, les lycées polyvalents mixent tous les publics scolaires, de toutes les filières, dans un même établissement.

La ségrégation se concentre dans un nombre limité d’établissements

Les chiffres nationaux de la ségrégation sociale et scolaire cachent une réalité beaucoup plus complexe. La ségrégation n’est pas généralisée à tous les établissements.

  • Certains établissements accueillent un grand nombre d’élèves socialement très défavorisés.

10% des élèves fréquentent un établissement qui accueille au moins 63% d’élèves issus de milieux socialement très défavorisés (ouvriers, chômeurs ou inactifs).

  • Un nombre non négligeable d’établissements vivent quasiment sans élèves de milieux très favorisés ou de « bons élèves ».

10% des élèves de 3ème ont moins de 5% de CSP+ dans leur niveau d’enseignement.

10% des élèves de 3ème ont moins de 6% de « bons élèves » dans leur niveau d’enseignement.

  • À l’opposé, certains établissements concentrent des élèves de bon niveau scolaire et de CSP élevées.

5% des élèves de 3ème ont plus de 60% de CSP+ dans leur niveau d’enseignement.

5% des élèves de 3ème ont plus de 43% de « bons élèves » dans leur niveau d’enseignement.

Zones urbaines : ségrégation plus forte entre les établissements

  • La ségrégation sociale peut être 10 fois plus importante dans certains départements que dans d’autres.

L’étude fait apparaître une variation importante entre les départements les plus ségrégés et les moins ségrégés. Les collèges des départements présentant la plus forte ségrégation sociale sont essentiellement situés dans les départements urbains. Les départements à faible densité de population recrutent sur un rayon plus large, favorisant la mixité sociale des élèves. À l’inverse, en zone urbaine, les collèges sont en concurrence (collèges « souhaités » et collèges « évités ») et reflètent la ségrégation résidentielle.

L’étude met en avant une forte corrélation entre ségrégation sociale et ségrégation scolaire. Les disparités observées sur le territoire sont similaires.

La constitution des classes renforce la ségrégation scolaire

Les politiques scolaires s’intéressent souvent à la question de la ségrégation entre les établissements. En revanche, la question de la ségrégation dans l’établissement est souvent négligée, alors que le ressenti de ségrégation y est beaucoup plus fort.

  • L’étude identifie dans les établissements des pratiques de « ségrégation active ».

La composition des classes produit, en elle-même, une ségrégation simplement liée au hasard. Cependant, l’enquête montre des pratiques de ségrégation active dans les établissements, au-delà du hasard de la composition des classes. En classe de 3ème par exemple, on observe une ségrégation sociale allant au-delà du hasard dans 25% des collèges, et une ségrégation scolaire plus élevée que le hasard dans 45% des collèges. Ceci met en évidence l’existence de classes de niveau dans les collèges français, davantage fondées sur le niveau scolaire que sur l’origine sociale.

  • La moitié de la ségrégation scolaire provient de la composition des classes.

La composition des classes contribue autant à la ségrégation scolaire que la ségrégation résidentielle et entre les établissements. À l’opposé, la composition des classes a un effet limité sur la ségrégation sociale.

  • La ségrégation scolaire triple entre la classe de 6ème et la classe de 1ère.

Les choix de filières, de langues vivantes et d’options sont des éléments qui favorisent la ségrégation au sein de l’établissement.