État des lieux en France
sur l'enseignement professionnel


Rapport scientifique

Le Cnesco propose un état des lieux complet sur l’enseignement professionnel en France ainsi qu’un rapport scientifique sur les inégalités dans l’enseignement professionnel, réalisé par Éric Verdier (CNRS, LEST) et al.

 

Une voie centrale du système scolaire

Regroupant un élève sur trois du second cycle du secondaire, l’enseignement professionnel est une voie centrale dans le système éducatif et ne doit pas être négligé. 25 % de ces élèves sont formés par apprentissage. Cependant, le nombre d’apprentis diminue en CAP depuis 2008, alors qu’il est largement à la hausse dans l’enseignement supérieur.

Des problèmes d’insertion aigus

Certains secteurs regroupant chacun plusieurs baccalauréats professionnels offrent à la fois une formation de qualité à des élèves qui peuvent même s’exporter à l’international, et une bonne insertion sur le marché du travail : « Moteurs et mécanique automobile », « Énergie, génie climatique », « Agriculture, élevage, paysage, forêt » et « Agroalimentaire, alimentation, cuisine ». Cependant, aujourd’hui, l’insertion des jeunes issus de l’enseignement professionnel n’est pas assurée dans tous les secteurs. Sept mois après l’obtention d’un diplôme sous statut scolaire, 57 % des titulaires d’un CAP et 46 % des bacheliers professionnels sont au chômage. Pourtant, dans presque tous les pays de l’OCDE, à diplôme donné, les voies professionnelles bénéficient d’une meilleure insertion que les voies générales.

Une concentration des difficultés dans certaines spécialités

Les spécialités tertiaires dont les effectifs sont les plus importants sont celles qui présentent les plus mauvais taux d’insertion sur le marché du travail (environ 30 % de chômage, trois ans après le diplôme).

Les jeunes en emploi issus d’un baccalauréat professionnel dans ces spécialités n’exercent majoritairement pas soit dans le champ d’activité pour lequel ils ont été formés, soit au niveau de qualification attendu. C’est notamment le cas en « Commerce et Vente », « Services à la personne », et pour le baccalauréat professionnel « Gestion-Administration » qui a succédé aux anciennes spécialités « Comptabilité-Gestion » et « Secrétariat-Bureautique ». Ces spécialités accueillent en outre un public spécifique, où sont surreprésentés les filles et les enfants issus de catégories sociales défavorisées et de l’immigration. Par ailleurs, le coût unitaire par lycéen est largement plus faible que dans les spécialités industrielles.


 

Une forte pénurie d’enseignants formés

Les enseignements professionnels manquent cruellement d’enseignants formés dans ces domaines. Depuis la « mastérisation », le nombre de candidats aux concours de professeur de lycée professionnel a été divisé par deux. En 2015, dans les disciplines professionnelles, seuls 72 % des postes enseignants ouverts à candidature ont été pourvus (moins que les disciplines scientifiques).

Au-delà des résultats scolaires, de fortes inégalités sociales et de genre

L’enseignement professionnel est marqué par de très fortes inégalités sociales et de genre qui résultent aussi, en partie, de biais sociaux dans l’orientation.

Un tiers des élèves de l’enseignement professionnel sont boursiers, soit le double des élèves de l’enseignement général. À niveau scolaire identique, les enfants de cadres ou d’enseignants ont une probabilité beaucoup plus faible d’intégrer l’enseignement professionnel que les enfants d’ouvriers. Quand ils intègrent l’enseignement professionnel, les jeunes issus des catégories favorisées choisissent davantage les établissements privés. Certaines spécialités sont quasi-uniquement féminines (ex : coiffure, esthétique) ou masculines (ex : énergie, génie climatique). Au sein d’une même spécialité, notamment en production, les filles ont un accès à l’emploi plus difficile que les garçons. Par exemple, trois ans après obtention d’un CAP industriel, 41 % des filles sont au chômage, contre 29 % des garçons.

Encore des obstacles à la poursuite d’études

S’ils poursuivent de plus en plus des études dans l’enseignement supérieur court (bac+2), de nombreux bacheliers professionnels ne parviennent pas à y décrocher un diplôme. 35 % des bacheliers professionnels accèdent à une poursuite d’études (majoritairement pour préparer un BTS). Mais leur réussite est à modérer. Seuls 59 % des bacheliers professionnels inscrits en BTS décrochent leur diplôme, soit 26 points de moins que les bacheliers généraux (85 %).

Une orientation subie

L’enseignement professionnel est souvent dévalorisé et peu plébiscité par les parents. Il est encore fortement associé à la faiblesse des résultats scolaires et au poids des origines sociales, ainsi qu’à une vision exclusive et négative de la pratique de métiers manuels.

 

CAP / Bac pro : un enseignement professionnel à deux vitesses

La réforme du baccalauréat professionnel semble avoir légèrement amélioré son image. Mais cette revalorisation s’est construite au détriment des diplômés de CAP, dont les difficultés d’insertion se sont nettement accrues depuis l’aggravation de la crise économique.