Comparaisons internationales
sur l'éducation à la citoyenneté


Rapport scientifique

Le Cnesco a publié un rapport scientifique, réalisé par Géraldine Bozec, maître de conférences en sciences de l’éducation à l’université Nice Sophia Antipolis, sur l’apprentissage de la citoyenneté dans l’école française et à l’étranger : comment s’organise cet apprentissage en France ? à l’étranger ? que dit la recherche sur l’impact de cet apprentissage sur les élèves ?

 

Éducation à la citoyenneté : ce que les comparaisons internationales révèlent

  • Alors que la majorité des pays européens ont fait le choix d’un enseignement intégré à d’autres matières (parfois complété par un enseignement spécifique), la France propose un enseignement spécifique sur l’ensemble de la scolarité.

  • Avec 12 ans d’enseignement spécifique, la France est le pays qui propose l’enseignement spécifique le plus long d’Europe.
  • Au niveau international, les enseignants sont peu nombreux à considérer la participation des élèves à la vie de l’école comme un objectif important de l’éducation à la citoyenneté.
  • À l’étranger, une très large majorité des élèves estiment que les enseignants les encouragent à exprimer leur opinion et à se faire leur propre opinion.

Une matière séparée ou intégrée à d’autres matières ?

La France se distingue en étant le seul pays européen où il existe un enseignement civique spécifique tout au long du cursus scolaire.

En Europe, l’approche la plus répandue consiste à enseigner la citoyenneté au sein d’autres matières. L’éducation à la citoyenneté s’accompagne parfois d’un enseignement spécifique à certains moments du cursus scolaire.

  • Dans dix pays européens, l’éducation à la citoyenneté est intégrée à d’autres domaines disciplinaires tout au long du cursus.

L’éducation à la citoyenneté en Allemagne relève de la « culture générale » au primaire et du domaine « histoire, sciences sociales, politiques » dans le secondaire.

  • Dans certains pays, l’éducation à la citoyenneté est intégrée à d’autres matières mais fait l’objet d’un enseignement spécifique à certains âges.

En Espagne : à 10-11 ans, 13-14 ans et 15-17 ans

  • Dans d’autres pays, l’éducation à la citoyenneté est d’abord intégrée à d’autres matières puis devient une matière à part entière à partir d’un certain âge.

Entre 11 et 16 ans en Angleterre, entre 16 et 18 ans aux Pays-Bas

Le temps d’enseignement

En France, l’enseignement spécifique démarre dès l’âge de 6 ans et s’étale sur 12 ans.

La durée d’un enseignement spécifique dans les différents pays est très variable :

      1 ou 2 ans  Pays-Bas, Croatie, Lituanie, Slovénie, Bulgarie
      3 ou 4 ans  Espagne, Grèce, Irlande, Norvège, Roumanie
      5 ou 6 ans  Angleterre, Finlande,
    9 ans et plus

 Portugal, France

 

La moyenne annuelle de la durée de l’éducation à la citoyenneté est plus élevée en France que dans les autres pays, avec 36h à l’école élémentaire et au collège, 18h au lycée général et technologique et 14h au lycée professionnel. D’autres pays n’y consacrent que quelques heures.

Les objectifs de l’éducation à la citoyenneté

Au niveau international, les objectifs déclarés par les enseignants comme les plus importants relèvent globalement de l’apprentissage de connaissances et de compétences (Schulz et al., 2010).

  • Plus d’un enseignant sur deux déclare que les objectifs attribués à l’éducation à la citoyenneté à l’école sont d’abord : « la promotion de la connaissance des droits et responsabilités des citoyens » (60 %) et « la promotion de la pensée critique et indépendante des élèves » (52 %).
  • Ils sont moins nombreux à considérer que « promouvoir le respect et la préservation de l’environnement » (41 %), « développer l’aptitude et les compétences des élèves en matière de résolution de conflits (41 %), « promouvoir la connaissance des institutions sociales, politiques et civiques » (33 %) ou « promouvoir la capacité de l’élève à défendre sa propre opinion » (20 %) sont des objectifs de l’éducation à la citoyenneté.
  • La promotion de la participation effective des élèves est quant à elle en retrait, qu’il s’agisse de la participation des élèves à la vie de l’école (19 %) ou à celle de la communauté locale (16 %).

L’enquête révèle par ailleurs que les chefs d’établissement classent selon la même hiérarchie les objectifs de l’éducation à la citoyenneté.

Le sentiment de compétence en matière d’éducation à la citoyenneté

Si dans la majorité des pays, des formations existent dans le domaine de l’éducation à la citoyenneté (en formation initiale et/ou continue), elles ne sont pas obligatoires dans beaucoup d’entre eux. À l’international, les enseignants peuvent se sentir plus ou moins sûrs d’eux pour enseigner l’éducation à la citoyenneté (Schulz et al., 2010).

  • Les enseignants, au niveau international, sont plus à l’aise concernant les sujets relatifs aux droits et responsabilités des citoyens (94 % sont très ou plutôt confiants dans ce domaine), aux droits de l’homme (93 %), à l’égalité des chances des hommes et des femmes (93 %) et à l’environnement (92 %).
  • Une large majorité d’enseignants se sentent également sûrs d’eux pour aborder en classe le vote et les élections (86 %), la Constitution et les systèmes politiques (81 %), les médias (86 %) ou des enjeux tels que l’émigration et l’immigration (79 %), les différents groupes ethniques et culturels (84 %) et les droits et responsabilités dans le monde du travail (87 %).
  • Les enseignants sont en revanche bien moins nombreux, bien que majoritaires, à se déclarer à l’aise pour enseigner sur des sujets relatifs au bénévolat (69 %) ou encore aux institutions juridiques et aux tribunaux (59 %).

Ces résultats peuvent refléter l’absence fréquente, dans les cas nationaux étudiés, du droit dans les programmes scolaires tout comme dans la formation initiale et continue des enseignants.

La participation des élèves aux discussions et à la vie collective dans l’école

Une très large majorité des élèves estime que lors des discussions sur les enjeux politiques et sociaux pendant les cours, les enseignants les encouragent à exprimer leur opinion (82 %) et à se faire leur propre opinion (76 %). Cependant, selon l’enquête ICCS 2009, 60 % des élèves déclarent qu’ils introduisent rarement (37 %) ou jamais (23 %) des événements politiques pour les discuter en classe. Dans le même sens, 78 % des enseignants déclarent que seulement quelques élèves tout au plus proposent des sujets pour les discuter en classe (Schulz et al., 2010).

Selon l’étude EURYDICE 2012, tous les pays européens participants ont adopté des réglementations ou des recommandations visant à inciter les élèves à prendre part à la gouvernance de leur établissement via l’élection des délégués de classes, l’existence d’un conseil d’élèves ou la participation de représentants d’élèves aux organes de gestion des établissements. Cette participation est d’autant plus répandue dans les textes officiels que l’on avance dans le cursus scolaire.