Recommandations
du jury de la conférence


Des recommandations pour améliorer les premiers apprentissages de la numération

Ces recommandations ont été rédigées par un jury d’acteurs de terrain suite à la conférence de consensus sur la numération qui s’est tenue les 12 et 13 novembre 2015 à Paris.

Les recommandations du jury présentent plusieurs caractéristiques : elles décrivent un ensemble large de mesures sans imposer de priorités, elles s’inscrivent dans une perspective temporelle longue et elles ouvrent des chantiers de réflexion et orientent vers des recherches complémentaires. Par ailleurs, certaines des recommandations sont déjà mises en œuvre localement. D’autres figurent dans les programmes du Conseil supérieur des programmes, et le jury a souhaité les intégrer dans ce document pour attirer l’attention des praticiens qui liront les recommandations.

Faire évoluer les pratiques quotidiennes des enseignants

À l’école maternelle, la diversité des situations dans lesquelles les enfants ont à manipuler des objets doit être fréquente et suffisamment variée pour leur offrir différents chemins à emprunter pour construire la représentation des premiers nombres. Cette manipulation ne doit pas se limiter à l’école maternelle. A l’école élémentaire, manipuler des « fractions concrètes» (parties d’un disque en bois…) permet aux élèves de mieux appréhender le sens de ce concept difficile : par exemple, des recherches ont montré que la manipulation de ces « fractions en bois » permet aux élèves de diminuer les erreurs du type 1/3 + 2/4= 3/7.

La maîtrise du système de numération écrit passe par le langage oral. Ceci est particulièrement vrai pour les premiers nombres, mais aussi au moment de l’introduction des fractions puis de celle de l’écriture à virgule : avant de voir comment on écrit une fraction ou d’utiliser la virgule, les élèves doivent savoir exprimer à l’oral les nouveaux nombres qu’ils découvrent (un quart, 8 dixièmes, etc.).

Trop souvent l’enseignement de notions difficiles (par exemple les fractions) est reporté à la fin de l’année scolaire. Or, enseigner les nombres entiers (comme 4 ou 11) ou décimaux (avec virgule) nécessite un travail important, organisé progressivement dans la durée, sur la compréhension du sens de ces notions. Cela éviterait sans doute la confusion entre 1/4 et 1,4 faite par la moitié des élèves à leur arrivée au collège.

L’apprentissage des nombres et des calculs ne peut pas se passer de l’apprentissage « par cœur » (d’un travail de mémorisation) de  « faits numériques ». Aussi, bien qu’il existe aujourd’hui des outils de calcul performants (calculatrices, ordinateurs, etc.), les enseignants doivent consacrer une partie du temps passé en classe à l’apprentissage des tables d’addition et de multiplication. Ces tables, mémorisées par les élèves, permettent d’alléger la mémoire de travail, pour réaliser des calculs complexes, écrits ou mentaux. Elles seront complétées progressivement par la connaissance de relations multiplicatives simples entre les nombres (30 est le double de 15) ou par l’association de deux écritures différentes d’un même nombre (1/2 =0,5).

Le calcul mental doit être privilégié par rapport au calcul posé (opération effectuée par écrit), dans l’ordre des apprentissages et dans le temps qui leur est respectivement consacré en classe. Les activités cognitives impliquées dans le calcul mental et dans le calcul posé ne sont pas de même nature : par exemple, une façon d’effectuer mentalement 32 x 25 amène à décomposer 32 en 8 fois 4, et à utiliser le fait que 4 fois 25 =100. L’avantage est que, en cherchant à trouver le bon résultat, l’élève travaille sur les nombres en jeu, ce qui n’est pas vrai dans le cas d’une multiplication posée.

La verbalisation par les élèves de leurs façons de faire, qu’elles soient correctes ou non, permet à l’enseignant et aux autres élèves, d’identifier les différentes procédures utilisées. Dans le calcul précédent, un élève peut aussi décomposer 32 en 30 +2 et faire 30 x 25 + 2 x 25. Cette procédure ne mobilise ni la même décomposition de 32 ni les mêmes propriétés mathématiques que la première. Les explications orales des élèves, qui peuvent traduire des erreurs de calcul, constituent dans tous les cas des repères importants pour l’enseignant.

Les enseignants ne doivent pas concevoir et restreindre l’enseignement du calcul comme un simple apprentissage de recettes techniques. L’enseignement des procédures utilisées pour effectuer des opérations par écrit (comme les retenues dans une addition) doit fournir des occasions pour les élèves de développer leur compréhension des nombres.

 

Partager avec les parents des occasions d’apprentissage

Les enseignants doivent être attentifs à fournir aux parents des informations concrètes et argumentées pour les aider à soutenir leurs enfants dans les apprentissages des nombres et des opérations. Ils peuvent ainsi suggérer aux parents des jeux pour leurs enfants qui permettraient de stimuler, développer et renforcer un certain nombre de connaissances et de procédures utiles pour les apprentissages des nombres.

Ces ressources en ligne pourraient être utilisées dans le cadre familial en continuité avec le travail conduit à l’école.

Comment les parents peuvent-ils faire progresser leur enfant au quotidien ?

Jouer à des jeux de société (petits chevaux, jeux de cartes, etc.)
>> Compétence travaillée : appréhender les nombres et s’entraîner en calcul 

Mettre le couvert à table
>> Anticiper (imaginer un nombre de fourchettes égal au nombre d’assiettes), compter (des petits nombres)

Faire un gâteau
>> Mesurer les quantités dans un verre-doseur (travailler les fractions), faire des conversions (dl, cl, ml), travailler la proportionnalité (si on a une recette pour 4 personnes, quelles quantités faut-il pour 6 personnes ?)

Utiliser la monnaie
>> Compter, additionner

Regarder le calendrier
>> Travailler les écarts entre les nombres

Lire l’heure
>> Travailler les relations entre 15,30, 45 et 60 ou 1/4, 1/2, 3/4 et 1

Offrir des ressources pédagogiques de qualité, facilement accessibles et adaptatives

Ces ressources doivent pouvoir être adaptées par chaque enseignant au contexte de sa classe et aux spécificités de ses élèves, et comporter en particulier des textes de savoir (« ce qu’il faut retenir ») adaptés à la compréhension des élèves, et des outils pour l’évaluation.

 

Adapter la formation initiale des enseignants et les accompagner

Enseigner les nombres et les opérations ne requiert pas seulement une bonne connaissance de ces concepts et procédures mathématiques. Comprendre comment l’enfant apprend est central. Au-delà de la nécessaire maîtrise des contenus théoriques, les obstacles potentiels identifiés dans l’acquisition du système de numération seront étudiés de façon à ce que les enseignants puissent identifier différents cheminements que peuvent avoir les élèves (par exemple pour comparer deux nombres décimaux).

Des équipes pluridisciplinaires (chercheurs, formateurs et enseignants) doivent être mises en place pour la formation afin d’intégrer les différentes composantes du métier d’enseignant. Par ailleurs, l’émergence de collectifs de travail réunissant chercheurs, formateurs et enseignants doit être encouragée.

 

Intégrer les résultats de la recherche dans les programmes et évaluer leur mise en œuvre

Il est important de justifier les fondements rationnels et empiriques des programmes pour qu’ils aient du sens et une légitimité pour les différents acteurs. Les arguments peuvent être d’ordre didactique, peuvent concerner des applications de la vie quotidienne, la suite logique des apprentissages, l’évolution des outils informatiques, les résultats de la recherche, etc.

L’évaluation permet de faire évoluer les programmes en prenant en compte :

(1) les acquis des élèves mesurés lors des enquêtes nationales et internationales ;

(2) la difficulté et les errements de leur mise en œuvre par les enseignants ;

(3) les résultats des recherches en didactique des mathématiques et en cognition numérique.

L’évaluation des programmes doit non seulement interroger le bien-fondé de l’enseignement de certaines notions et procédures, mais aussi l’enchaînement et le rythme des apprentissages, ainsi que leur adéquation au niveau de développement des élèves.