Bilan des acquis
dans le domaine des nombres et opérations à l'école primaire


Rapports scientifiques

Le Cnesco, en partenariat avec l’Ifé/ENS de Lyon, propose de dresser un bilan complet sur les acquis des élèves dans les premiers apprentissages des nombres et opération à travers un rapport scientifique intitulé « Les acquis des élèves dans le domaine des nombres et du calcul à l’école primaire » et réalisé par Jean-François Chesné et Jean-Paul Fisher. Par ailleurs, le Cnesco interroge les pratiques en éducation prioritaire à travers le rapport « Apprentissage et inégalités au primaire : le cas de l’enseignement des mathématiques en éducation prioritaire », réalisé par Denis Butlen, Monique Charles-Pézard et Pascale Masselot.

Un constat alarmant sur l’apprentissage des mathématiques au primaire

Un impact sur la vie de tous les jours

Compter ses pièces de monnaies pour payer le pain, rechercher la page d’un livre grâce à son numéro, mesurer les quantités pour les ingrédients d’un gâteau, estimer une distance…

« Les nombres décimaux sont très présents notamment parce que la monnaie comprend des centimes. » 
Laetitia Desmet, chargée de cours invitée à l’Université catholique de Louvain

Pourtant, un jeune Français de 17 ans sur dix est en difficulté dans l’utilisation des mathématiques de la vie quotidienne (enquête JDC 2014). Cela signifie que 10 % des jeunes Français se retrouvent en difficulté dans la réalisation d’activités du quotidien dès que des nombres sont en jeu.

Ces actions de la vie quotidienne reposent souvent sur les premiers apprentissages des nombres et des opérations. L’enseignement des mathématiques au primaire est donc indispensable pour pouvoir évoluer dans la société.

Des acquis très fragiles à la fin du primaire

L’enquête CEDRE (DEPP) révèle que 42,4 % des élèves ont une maîtrise fragile des mathématiques, voire de grandes difficultés à l’issue de l’école primaire.

  • Écrire des nombres entiers

Un élève sur quatre ne sait pas écrire un grand nombre entier (supérieur à 10 000) en chiffres (par opposition à l’écriture en lettres).

  • Savoir ses tables de multiplication

Si les tables d’addition semblent acquises, ce n’est pas le cas des tables de multiplication (7 et 8, en particulier). Par exemple, près de la moitié des élèves ne savent pas répondre à la question : « Dans 56, combien de fois 8 ? ».

  • Maîtriser les nombres décimaux (à virgule)

À la fin de l’école primaire, moins d’un élève sur deux réussit à associer un nombre décimal écrit sous forme d’une fraction à son écriture à virgule.

« Très peu d’élèves associent la fraction 1/4  à l’écriture à virgule 0,25, et environ la moitié des élèves confondent 1/4 et 1,4. »
Jean-François Chesné, directeur scientifique du Cnesco
« Certains élèves vont considérer que 2 dixièmes (soit 0,2) sont plus petits que 10 centièmes (soit 0,1). »
Laetitia Desmet, chargée de cours invitée à l’Université catholique de Louvain
  •  Travailler sur les opérations écrites

Sur les opérations à l’écrit, on observe une nette baisse de niveau depuis 1987. 20% des élèves ne réussissent pas une soustraction avec retenue.

  • Travailler sur les opérations avec décimaux

Les acquis sont fragiles et il y a une faiblesse encore plus grande avec les opérations sur les décimaux (« nombres à virgule »). La moitié des élèves ont des difficultés, en fin de primaire, pour multiplier un nombre décimal, comme 35,2 par 100. Ces résultats montrent la faiblesse du niveau des élèves à leur entrée au collège. Or, il apparaît, dans l’enquête CEDRE 2014, que les difficultés des élèves ont tendance à s’accroître tout au long du collège.

« Le niveau de départ va peser sur la réussite à venir des élèves. »
Michel Fayol, président de la conférence, professeur émérite de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand

Il est donc nécessaire de créer, dès le début des apprentissages à l’école primaire, une base solide de connaissances pour tous les élèves.

« Réintervenir sur une difficulté déjà installée est toujours problématique. »
 Michel Fayol, président de la conférence, professeur émérite de l’Université Blaise Pascal de Clermont-Ferrand

De fortes disparités de niveau entre les élèves

Sur la période de 2008 à 2014, l’enquête CEDRE révèle des disparités de niveau entre élèves de plus en plus fortes. Dès l’école primaire, en 2014, il y a plus d’élèves en difficulté et légèrement plus d’élèves performants.

Selon le rapport Cnesco / Ifé-ENS de Lyon, les inégalités d’acquis scolaires entre élèves, selon l’environnement socio-économique de leur famille, progressent entre l’école primaire et le collège.

Les enfants de cadres supérieurs obtiennent le pourcentage de réussite le plus élevé alors que les enfants d’ouvriers obtiennent un pourcentage bien plus faible (avec des écarts moyens entre les deux groupes qui s’accroissent, de 8 % en début de CE2 à de 10 % en début de 6ème).

Une meilleure réussite des garçons en mathématiques qui s’amplifie dans le temps

Au primaire, selon l’enquête CEDRE 2014, en moyenne, les garçons réussissent mieux que les filles en mathématiques. Cet avantage a augmenté entre 2008 et 2014.

Les résultats montrent, de plus, que les filles sont plus nombreuses que les garçons  parmi les élèves les moins performants : 46 % d’entre elles ont des difficultés contre 39 % des garçons. Par ailleurs, elles sont moins nombreuses dans les groupes d’élèves disposant d’acquis solides (25 % contre 33 % pour les garçons).

A contrario, selon le rapport commandé par le Cnesco et l’Ifé/ENS de Lyon, les filles ont quasi systématiquement des performances supérieures à celles des garçons dans les techniques opératoires posées par écrit.

Des enseignants peu familiers avec les mathématiques

80 % des enseignants du primaire n’ont pas suivi un cursus scientifique dans l’enseignement supérieur (rapport IGEN 2006).

Ces enseignants, non scientifiques, n’ont pas toujours une très grande maîtrise des savoirs mathématiques théoriques qui sont impliqués dans les programmes scolaires. Par ailleurs, ils souffrent d’un manque de formation continue et d’accompagnement au long de leur carrière, notamment à l’occasion des changements de programme.

« Les professeurs des écoles pointent un manque d’accompagnement dans les changements de programmes. »
Jean-Jacques Calmelet, inspecteur honoraire de l’Éducation nationale

Certaines pratiques d’enseignement potentiellement inefficaces

La prise en compte des difficultés rencontrées par les élèves en mathématiques, notamment en éducation prioritaire, peut amener certains enseignants à adapter leurs pratiques. Mais, selon certaines recherches, synthétisées dans un rapport commandé par le Cnesco, ces adaptations pourraient ne pas être toujours favorables aux apprentissages.

Ces recherches montrent, en effet, que lorsqu’un enseignant donne des exercices trop simples ou apporte de trop grandes aides aux élèves, il pourrait y avoir un risque d’aggravation des difficultés des élèves.

En effet, un problème peut être présenté de plusieurs façons, dont certaines sont plus simplifiées et peuvent diminuer la réflexion de l’élève.

L’exemple

Sur un problème de jeu de billes entre deux enfants qui font 3 parties, où chacun gagne ou perd des billes à chaque partie, l’enseignant peut demander directement combien il en reste à chaque enfant à la fin des 3 parties, ou bien il peut découper le problème et demander combien il en reste à chacun après chaque partie. Il crée ainsi des étapes qui facilitent la résolution du problème, mais qui diminuent la réflexion des élèves.

Certaines recherches montrent aussi que l’enseignement des mathématiques repose souvent sur une volonté des enseignants de mettre l’élève en activité, soit pour découvrir une nouvelle notion, soit pour l’approfondir dans une situation de recherche.

Cette dynamique d’apprentissage ne peut se révéler efficace que si l’acquisition d’une nouvelle notion ou d’une nouvelle propriété de calcul, par exemple, est clairement au cœur de cette activité et explicitée à la fin du cours.

Or, les premières recherches menées en éducation prioritaire montrent que, si cette condition n’est pas respectée, ces pratiques pourraient avoir tendance à renforcer les différences entre les élèves plutôt que de remédier à leurs difficultés scolaires.