Inégalités migratoires


Le Cnesco a publié un rapport scientifique sur l’ampleur des inégalités sociales à l’école. Ce rapport s’est, en partie, concentré sur les inégalités migratoires au sien de l’école française.

 

L'écart de résultats entre les élèves isuss de l'immigration et les natifs s'est creusé

En dix ans, d’après PISA, l’écart de performances scolaires entre les élèves issus de l’immigration et les natifs s’est accru, à l’instar de la détérioration des inégalités sociales à l’école. Avec l’Italie, la France est le pays de l’OCDE où les écarts augmentent le plus. Même à milieux économique et social des élèves donnés, en France, l’écart de résultats scolaires entre élèves issus de l’immigration et les natifs est largement supérieur à la moyenne de l’OCDE.

Près de la moitié des jeunes appartenant aux secondes générations d’immigrés présente des difficultés sévères. Ainsi, en France, près de 43 % des élèves issus de l’immigration n’atteignent pas le niveau 2 en mathématiques (PISA 2012).

Les performances scolaires sont de moins en moins liées à la position sociale et à l'éducation des parents chez les élèves issus de l'immigration

Ce qui évolue par rapport à 2003, c’est une diminution du déterminisme social pour les élèves issus de l’immigration et parallèlement un accroissement pour les élèves natifs. En outre, l’importance du diplôme des parents apparaît désormais beaucoup plus importante pour les élèves natifs que pour les autres.

C’est-à-dire que, de plus en plus, les enfants d’immigrés ont des résultats inférieurs aux natifs, sans que l’élévation du niveau d’éducation/CSP de leurs parents ne joue aussi favorablement que pour les natifs (Felouzis et al., Monseur et Baye, Cnesco, 2016).

D’après Felouzis et al., alors que traditionnellement les difficultés scolaires des enfants issus de l’immigration étaient interprétées comme des difficultés socio-économiques de leurs milieux familiaux, ce résultat négatif pourrait s’expliquer par un contexte scolaire nouveau marqué par un phénomène de discrimination négative ; notamment dû à une accélération de la ségrégation d’origine migratoire dans les collèges accueillant des élèves en retard (Monseur et Baye, Cnesco, 2016).

Des trajectoires scolaires très différenciées selon l'origine migratoire

À partir de données nationales, Brinbaum et al. (Cnesco, 2016) montrent que, concernant les élèves de 2nde génération, ces inégalités sont très différenciées selon les origines migratoires. Si elles demeurent très importantes pour les communautés les plus récemment arrivées en France (Afrique sahélienne, Afrique Centrale, Golfe de Guinée…), l’analyse des évolutions, entre les panels 1995 et 2007, montre que pour les élèves maghrébins et portugais, certes les résultats bruts restent inférieurs à ceux des natifs, mais à catégories socio-professionnelles, niveau d’éducation et structure familiale donnés, les écarts s’atténuent très fortement en 6e (2007) et en 3e(2011).

La communauté asiatique se caractérise par des résultats sur-performants qui s’expliquent en grande partie par le niveau de diplôme plus élevé des parents.

Une forte mobilisation des familles immigrées

Les aspirations, en termes d’orientation pour leurs enfants, des familles issues de l’immigration, sont particulièrement ambitieuses. Elles diffèrent selon l’origine migratoire des élèves (Brinbaum, Farges et Tenret, Cnesco, 2016). Ainsi, à caractéristiques sociales et familiales similaires, les familles issues de l’immigration maghrébine ont des aspirations scolaires deux fois plus élevées, pour un baccalauréat général, que celles des familles françaises. À notes et contexte scolaire donnés, elles ont même des aspirations trois fois supérieures.

L’origine migratoire des parents est aussi en lien avec les cours particuliers, dans un sens inattendu. À niveaux social et scolaire identiques, les enfants d’immigrés prennent davantage de cours que les élèves natifs (excepté les élèves issus de l’immigration sahélienne). Les élèves d’origine asiatique ont une probabilité 2,8 fois plus élevée et les élèves d’origine maghrébine 2 fois plus importante de prendre des cours privés que les élèves dont les deux parents sont nés en France (Galinié et Heim, Cnesco, 2016).

Les élèves issus de l'immigration sont sur-représentés dans la voie professionnelle

Les jeunes issus des familles immigrées sont sur-représentés en voie professionnelle, à l’exception des élèves de l’Asie du Sud-Est.

Cependant, contrairement aux élèves de milieux socialement défavorisés, les élèves issus de l’immigration subissent moins d’inégalités dans l’orientation spécifique à leur origine migratoire. À catégories socio-professionnelles et résultats scolaires donnés, ces jeunes sont moins orientés vers l’enseignement professionnel (Vrignaud, Cnesco, 2016). Pour autant, sur la période 1999-2011, on remarque que leur faible niveau de compétences scolaires et le contexte scolaire dans lequel ils se trouvent (notamment l’éducation prioritaire) viennent davantage les pénaliser dans leur orientation.

Tout se joue comme si à la fois, la seconde génération bénéficiait d’une élévation de niveau de formation des parents, pour les communautés intégrées de plus longue date, et profitait de la dynamique du projet d’immigration, mais se trouvait, désormais, davantage handicapée par l’institution scolaire dans ses choix d’orientation.

Ces différences dans les aspirations des familles en termes de carrière scolaire et la réalité de l’orientation vers le professionnel vont créer des sentiments d’injustice et de discrimination vécue comme ethnoculturelle. C’est tout particulièrement le cas des élèves maghrébins masculins orientés vers le professionnel (Brinbaum et Primon, 2013).

Contributions citées