Acquis des élèves


Diagnostic des difficultés croissantes des élèves français

Les évaluations standardisées s’intéressent peu à la capacité des élèves à écrire et à rédiger et se concentrent principalement sur les capacités orthographiques des élèves. Pourtant, les données existantes indiquent que, si les élèves français entrent plus facilement dans l’écriture, ils développent une faible appétence pour rédiger dans le cadre scolaire et ont des difficultés orthographiques, tout au long de la scolarité obligatoire.

Une faible appétence pour la production d’écrits et des difficultés à rédiger

Les élèves présentent des difficultés pour rentrer dans l’écriture. Les enquêtes PIRLS 2011 et Cedre 2015 ainsi que l’étude Lire et écrire au CP apportent des éléments d’analyse.

En fin de CP, dans un exercice de narration de 15 minutes à partir de quatre images, 35 % des élèves ont une difficulté à rédiger et écrivent moins de 60 lettres lisibles. Les deux tiers des élèves commencent à utiliser de la ponctuation et des connecteurs (et, mais, après…) (Goigoux, dir., 2016).

L’exception : de bons résultats lors des premiers écrits à l’entrée en CP

À l’entrée en CP, en 2011, les élèves réussissaient, en moyenne, 66 % des exercices d’écriture qui leur étaient proposés (panel 2011, Depp), soit 13 points de plus qu’en 1997. Cette évolution traduisait une augmentation significative des capacités des élèves à tracer des lettres et à commencer à écrire (son prénom, « maman ») à l’issue de l’école maternelle. Des différences de genre apparaissaient dès le début du CP, avec un écart de 5 à 6 points en faveur des filles.

L’évolution positive des résultats des élèves, au tout début du CP, pourrait notamment s’expliquer par l’adéquation de cette évaluation avec les programmes scolaires alors en vigueur.

En CM1, les élèves français confirment leur difficulté à rédiger et se démarquent ainsi de leurs voisins européens. En effet, dans une enquête internationale, les élèves français sont parmi les plus nombreux à ne pas répondre aux questions ouvertes, particulièrement lorsque la réponse doit être longue (PIRLS 2011).

En CM2, les élèves réagissent différemment en fonction du type de texte qu’il leur est proposé d’écrire. Des difficultés apparaissent notamment dans la production de textes avec contraintes.

Quelques exemples
Écrire un texte narratif : 54 % des élèves de CM2 respectent la consigne.
Écrire une recette : 20 % des élèves de CM2 respectent la consigne.

Des élèves qui rédigent peu au collège, mais régulièrement en dehors

En 3e, sur un double exercice de production écrite en 25 minutes (un sujet d’argumentation avec trois arguments et un sujet d’invention à partir d’une fin d’histoire donnée), certains élèves n’écrivent que quelques lignes quand d’autres produisent un texte d’une page et demie (en moyenne, les élèves produisent 15-20 lignes). Ainsi, l’étude met en évidence que 40 % des élèves de 3e ne rédigent pas ou très peu (Cedre 2015, Depp).

En dehors des cours, malgré ces difficultés à rédiger dans un contexte scolaire, les élèves sont régulièrement amenés à écrire dans leur quotidien. Ainsi, les adolescents sont très largement équipés en téléphones ou smartphones (97 % des 12-19 ans, Igen, 2017). À travers l’utilisation des SMS et des réseaux sociaux, ils sont très régulièrement amenés à écrire, plusieurs fois par jour. Sur le seul exemple des SMS, une étude a observé que les adolescents âgés de 12 à 17 ans envoyaient, en 2013, 381 SMS par semaine en moyenne (Crédoc, 2013). Si les pratiques ont pu évoluer des SMS vers les réseaux sociaux, l’écrit reste un moyen important de communication pour les jeunes : 77 % des 12-17 ans écrivent sur les réseaux sociaux (Crédoc, 2014).

Des difficultés à rédiger qui se répercutent dans les autres matières

Les difficultés à rédiger ne concernent pas uniquement la production de texte en français.

En histoire-géographie et éducation civique, 60 % des élèves de 3e n’ont pas su rédiger un texte cohérent (portant sur la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb) à partir d’une liste de mots donnés (Cedre 2012, Depp). Ils ont parfois répondu par des mots, des suites de mots ou une seule phrase sur plusieurs lignes.

Enfin, les élèves de 3e semblent accorder peu d’importance à la lisibilité de leurs écrits. Lorsqu’on leur demande de produire un texte, seulement un tiers des élèves de 3e écrivent lisiblement.

En sciences, les enquêtes montrent également un fort décalage du taux de non-réponses entre un QCM et une question à réponse construite. Ainsi, 20 % des questions ouvertes (où il faut rédiger) restent sans réponse, contre 3 % lorsqu’il s’agit d’un QCM (Cedre 2013, Depp). Les élèves les plus en difficulté sont ceux qui répondent le moins aux questions ouvertes. Ils sont donc pénalisés en sciences par leurs difficultés à produire des textes écrits.

Des difficultés croissantes en orthographe et en grammaire

En fin de CP, les élèves rencontrent des difficultés sur les accords des noms. Par exemple, seuls 17 % des élèves marquent correctement le pluriel de « lapins » dans la phrase dictée « Les lapins courent vite » (Goigoux, dir., 2016). Cet apprentissage se précise cependant en CE1, où près de la moitié des élèves réussissent à marquer le pluriel.

En CE2, en 2013, les élèves de CE2 réussissent 69 % des exercices d’écriture (marquer l’accord dans le groupe nominal), marquant une baisse de 6 points par rapport à 1999. Cette baisse s’accompagne d’une augmentation du nombre d’élèves en difficulté et d’une diminution de la part d’élèves réussissant la plupart des exercices (Depp, 2014).

En CM2, en 2015, sur une dictée comprenant 67 mots et 16 signes de ponctuation, les élèves font, en moyenne, 18 erreurs (Depp). Ces résultats traduisent une nette baisse du niveau des élèves en dictée depuis 30 ans (11 erreurs en 1987, 14 erreurs en 2007).

Cette chute des résultats se vérifie pour l’ensemble des élèves. En 30 ans, le nombre d’élèves réalisant peu d’erreurs (5 ou moins) est divisé par quatre, alors que le nombre d’élèves faisant beaucoup d’erreurs (25 ou plus) est, lui, multiplié par quatre.

Les différences de niveau sont très marquées par l’origine sociale des élèves, avec un écart de 6 erreurs entre les enfants de cadres et les enfants d’ouvriers. Les écarts entre les filles et les garçons, peu élevés en 1987 (1,8 erreurs), tendent à augmenter (3,5 erreurs en 2015).

À titre d’exemple, les noms communs entraînent peu d’erreurs, tout comme la ponctuation. En revanche, les adverbes et les règles d’accord (de l’adjectif, du verbe ou du participe passé) constituent de véritables difficultés pour les élèves.

Quelques exemples
« Le soir tombait. » : en 2015, 44 % des élèves de CM2 font une erreur à « tombait », contre seulement 13 % en 1987. « Soir » est bien orthographié par 95 % des élèves.
« Elle les a peut-être vus ! » : en 2015, 83 % des élèves font une erreur à « vus » (68 % en 1987) et 48 % font une erreur à « peut-être » (32 % en 1987).

Du CM2 à la 3e, des recherches ont montré une nette augmentation des erreurs orthographiques entre 1987 (7-8 erreurs) et 2005 (13 erreurs) sur un même exercice de dictée (Manesse & Cogis, 2007). Ces difficultés se retrouvent, en 2012, dans un exercice d’histoire-géographie où 42 % des élèves n’ont pas été en mesure de rédiger un texte en maitrisant l’orthographe (Cedre 2012, Depp).