Évolutions de l’enseignement


Analyse des grandes évolutions de l'enseignement de l'écriture au primaire

L’école enseigne aux élèves à rédiger des textes depuis le XIXe siècle. Cet enseignement a régulièrement évolué, répondant à une transformation des attentes sociales et sociétales autour de l’écriture. L’analyse de Marie-France Bishop (État des lieux, Cnesco, 2018) met en évidence les grands modèles d’enseignement de l’écriture qui se sont succédé.

Ces modèles ne disparaissent que très progressivement et se juxtaposent, souvent. Cette coexistence crée une confusion dans les grandes orientations pédagogiques, traduite dans les manuels scolaires, ce qui explique que, dans les classes, les pratiques enseignantes puissent relever de plusieurs modèles à la fois.

Le modèle républicain de la rédaction

En 1882, les programmes de Jules Ferry et de Ferdinand Buisson intègrent officiellement l’enseignement de la rédaction « sur les sujets les plus simples et les mieux connus des enfants ». Le principe repose sur l’apprentissage des règles d’écriture. L’exercice doit rester simple et concret, proche des réalités quotidiennes des écoliers.

Exemple courant d’exercice de rédaction
« Racontez une de vos veillées en famille. Plan : 1- Le moment, 2- Les occupations, 3- Ce que j’entends, 4- À qui je songe, 5- Ce que j’éprouve »

Ce type d’exercice contribue aussi à communiquer un idéal de société avec ses valeurs morales (ici, sur la famille) tout en participant à l’apprentissage de l’écriture et à la connaissance de la langue écrite et littéraire. Les corrections des enseignants portent, d’ailleurs, autant sur la langue que sur la morale.

Le modèle du texte libre

À la suite de la Première Guerre mondiale, et en opposition à l’enseignement traditionnel de la rédaction, un nouveau modèle se développe, hors des normes institutionnelles. Le texte libre, initié par Célestin Freinet, veut recentrer l’enseignement sur l’enfant et son expression spontanée, et ne considère pas la correction du langage spontané comme un objectif.

Dans le modèle du texte libre, l’élève n’a pas de contrainte. L’apprentissage n’est pas présenté comme un exercice scolaire. L’approfondissement se fait à partir d’un texte élu par les élèves, parmi l’ensemble des textes écrits. Ainsi, rédiger un texte n’est pas une finalité, mais une étape dans la vie de la classe.

Exemple courant d’exercice de texte libre
La dictée à l’adulte (notamment en maternelle) : les élèves racontent, sans contrainte, un événement vécu collectivement (l’exercice peut aussi être réalisé de manière individuelle) et l’enseignant l’écrit au tableau. L’exercice permet de commencer à prendre conscience des formes qui sont acceptées à l’oral mais n’existeraient pas à l’écrit, et d’une correspondance entre les sons et la manière dont on les écrit.

Le modèle de l’écriture rénovée

Avec la création du collège en 1963, l’enjeu du primaire n’est plus de proposer un enseignement débouchant directement sur la vie active, mais de permettre la poursuite de la scolarité. Vers le milieu des années 1960, le débat se focalise alors autour de deux visions : l’une autour d’un renforcement des apprentissages fondamentaux (mathématiques, grammaire et orthographe, avec notamment des exercices de répétition), l’autre autour des apports du modèle du texte libre (notamment en s’appuyant sur les usages de la langue plutôt que sur le « bon français »).

Suite à ces débats, les instructions de 1972 tentent de combiner les deux approches. Elles prévoient des activités d’expression libre et spontanée et des activités au caractère plus formel et systématique. Malgré l’adhésion des enseignants, cette réforme se heurte à des difficultés de mise en œuvre.

Le modèle de la production de textes

Le modèle de la production de textes vient lentement remplacer l’écriture rénovée et est officiellement repris dans les programmes de 1995. Plutôt que de s’intéresser à la production finale, ce modèle, appuyé sur la recherche, invite à porter une attention particulière à l’élève et aux processus mentaux qu’il mobilise lorsqu’il découvre l’écrit, lorsqu’il écrit et lorsqu’il réécrit (travail du brouillon par exemple). Le modèle s’intéresse aussi aux différents paramètres de l’écriture : la cohérence du texte, sa typologie, son organisation, son contexte d’écriture (historique, sociologique et didactique, dans ou hors de l’école) et le lien avec la lecture.

C’est ce modèle qui est mis en avant, à la fin du XXe siècle, dans les prescriptions officielles, dans les manuels et durant la formation. Certaines recherches suggèrent qu’un nouveau modèle pourrait désormais se dessiner autour de l’accompagnement par l’enseignant et de l’intérêt des écrits intermédiaires.