Projets innovants


Des initiatives sont mises en place dans certaines écoles afin de développer les apprentissages des élèves dans le domaine de l’écrit. Les actions ci-après, identifiées par le Cnesco, donnent un aperçu de plusieurs projets déjà existants faisant écho aux résultats de la recherche.

Dans le collège Pierre de Dreux à Saint-Aubin-du-Cormier (Académie de Rennes), Emmanuelle Toudic, professeure de français, est partie d’un constat : un certain nombre d’élèves de 6e se sentent démunis lors des travaux d’écriture et ont du mal à dépasser le stade du « premier jet », la révision consistant généralement à se relire avant de recopier tel quel son brouillon. Depuis deux ans, l’enseignante propose donc une étape supplémentaire : la révision de leur texte grâce à un outil de synthèse vocale.

Cette année, la consigne d’écriture, qui s’inscrit dans un travail sur la fiction, est la suivante : écrire un conte traditionnel intégrant un monstre. Les élèves se rassemblent en petits groupes de trois et imaginent les grandes lignes de leur histoire. Ils présentent le résumé à la classe et lorsque leur invention est validée, ils rédigent le premier jet à la main. À la séance suivante, ils sont regroupés en salle informatique et tapent leur texte à l’ordinateur.

 « La synthèse vocale lit aux élèves le texte qu’ils ont écrit. Grâce à ce dispositif, ils repèrent plus facilement les répétitions, le manque de ponctuation, ainsi que les erreurs phonologiques. »
Emmanuelle Toudic, professeure de français

La synthèse vocale est ainsi utilisée comme un outil de médiation, d’interaction et de réflexion. C’est une phase supplémentaire de révision du texte. Une fois cette première version écoutée et corrigée, l’enseignante souligne les erreurs, sans fournir la solution. Les élèves ont alors la possibilité d’écouter une nouvelle fois leur conte pour le réviser. La synthèse vocale semble constituer une source de motivation et d’autonomie pour les élèves, et le travail en groupe, favorisant les interactions, a ainsi permis d’adopter une posture réflexive, avec des échanges sur la langue.

Emmanuelle Toudic, professeure de français
Académie de Rennes, collège Pierre de Dreux, Saint-Aubin-du-Cormier (35 140)

Dans la circonscription de Toulon 2 (Var), le projet des Oulimpiades est mis en place depuis la rentrée 2016. Il concerne 4 classes de 6e du collège La Marquisanne, classé REP+, 5 classes de CM1 et CM2 des écoles élémentaires La Beaucaire et La Tauriac, également classées REP+, et une classe de CM2 de l’école François Nardi, hors éducation prioritaire. Les Oulimpiades consistent à proposer des jeux d’écriture à contraintes.

 « Les élèves peuvent être amenés à écrire un lipogramme (par exemple, écrire un texte sans la lettre « e »), concevoir un texte à la manière de Raymond Queneau (jeux d’écriture basés sur des contraintes) ou encore rédiger un texte dont les mots commencent tous par la même syllabe. »
Claude Richerme-Manchet, formatrice

À force de manipuler les phrases et les mots, les élèves deviennent plus à l’aise pour rédiger des textes courts ou longs. Un mur de travail collaboratif et interactif a été créé sur lequel toutes les productions écrites sont regroupées. Au cours de l’année, les élèves lancent des défis d’écriture aux autres classes, sous forme de consignes écrites ou de vidéos. Ils sont ainsi motivés par les exercices, souhaitent relever les défis lancés et savoir si les autres classes ont réussi à répondre à leurs consignes.

Les enseignants ont constaté que la peur des élèves face à l’écriture était moins forte. Ils sont plus à l’aise, leurs phrases sont plus longues, plus nourries et ils acceptent plus facilement que le professeur leur demande de réviser leur production. Des élèves qui étaient en échec à l’écrit se sont remobilisés grâce à ce dispositif.

Claude Richerme-Manchet, formatrice
Académie de Nice, collège La Marquisanne , Toulon (83 200)

À l’école La Plaine à Saint-Laurent-du-Pont (Isère), le raisonnement des élèves concernant l’orthographe des mots tient une place essentielle. Les enseignants de l’école (CE2, CM1, CM2) mettent en place divers rituels quotidiens dans leur classe. Par exemple, dans la « phrase donnée du jour » projetée au tableau, les élèves cherchent le verbe et l’entourent en rouge. Puis ils cherchent le « donneur d’ordre », le sujet, qui est souligné en rouge. Des flèches sont ensuite dessinées entre les mots pour visualiser les accords. Ils appliquent la même démarche au groupe nominal, en bleu. Les élèves cherchent tous les indices dans la phrase qui vont leur permettre d’expliquer, de justifier l’orthographe de chaque mot. Une fiche « outils » commune, affichée dans la salle de classe, permet aux élèves de mémoriser l’ordre dans lequel une phrase doit être analysée. Il s’agit d’amener les élèves à maîtriser des procédures basées sur l’analyse de la syntaxe plutôt que sur le sens. Toute l’école possède le même code couleur. Cela permet aux élèves de garder les mêmes habitudes d’une année sur l’autre.

Par ailleurs, les enseignants font travailler les élèves sur la « planification des écrits ». Ainsi, une première technique consiste à préparer, à l’oral, le brouillon du futur texte écrit : les élèves se réunissent en petits groupes et discutent de l’histoire qu’ils souhaitent rédiger. Un microphone leur est ensuite distribué pour enregistrer le résumé de leur histoire. Ils réécoutent leur récit et, lorsqu’ils commencent à rédiger, sont plus à même de consacrer de l’attention à l’orthographe.

D’autres techniques sont proposées, parmi elles, l’élaboration d’une carte mentale.

 « Je demande à mes élèves de ne pas rédiger de suite leur brouillon : ils tracent tout d’abord une carte mentale de leur production (penser à l’histoire qui va être racontée, aux personnages, aux péripéties, aux mots choisis, etc.). Ensuite seulement, ils peuvent passer à la rédaction et être par conséquent plus concentrés sur l’orthographe. »
Roselyne Gros-Balthazard, enseignante

Depuis la mise en place de ce travail avec les élèves à la rentrée 2014, une nette amélioration a été constatée. Les élèves ont notamment progressé sur les accords dans le groupe nominal ainsi que sur l’accord du verbe. L’orthographe et la production d’écrits travaillées de cette manière sont devenues partie intégrante du projet d’école depuis la rentrée 2017. De plus, l’apprentissage de stratégies donne aux élèves le sentiment d’avoir plus d’emprise sur l’orthographe.

Roselyne Gros-Balthazard, enseignante
Académie de Grenoble, école La Plaine, Saint-Laurent-du-Pont (38 380)

Deux classes de 6e du collège les Dîmes à Cuisery (Saône-et-Loire) participent à un concours organisé par la Délégation académique au numérique de l’académie de Dijon. Divers thèmes sont proposés : les robots, les animaux, l’art, les couleurs et l’eau. Pendant un mois, une photographie par semaine est postée sur un réseau social. Chaque semaine, chacune des classes participantes réagit à la photographie en publiant, sur le réseau social, un haïku, poème à forme fixe d’origine japonaise. Trois vers sont superposés en 17 syllabes au total : le premier vers en comporte 5, le deuxième 7 et le dernier 5.

Chaque élève propose un haïku à sa classe, puis, a la possibilité de lire les poésies de ses camarades et de voter pour ses préférées, en argumentant ses choix. Un seul haïku par classe est ensuite rendu public sur le réseau social.

 « Nous avons installé une routine pour l’écriture de ces haïkus. Les élèves commencent à écrire au brouillon, avec un crayon à papier. Puis je les conseille sur leur production et ils travaillent à nouveau leur texte, en utilisant les outils d’aide qu’ils souhaitent : dictionnaire, aide orthographique en ligne, etc. »
Bruno Himbert, professeur de français

Après ce travail de réflexion et de correction, les élèves recopient leur haïku à l’encre et peuvent ensuite le taper à l’ordinateur. Avant de publier sa poésie sur un réseau social, l’élève doit la faire relire une dernière fois par l’enseignant. Il y a donc différents niveaux d’écriture et de diffusion lors de ce travail.

L’écriture de ces poésies permet notamment à l’enseignant de travailler le vocabulaire ainsi que le champ lexical d’une thématique spécifique. De plus, les élèves semblent très motivés par le fait d’écrire pour un public différent que le corps enseignant : ils savent qu’ils vont être lus par différentes personnes et sont donc plus attentifs à la révision de leur texte.

Bruno Himbert, professeur de français
Académie de Dijon, collège les Dîmes, Cuisery (71 290)

Les élèves de 4e de Marie Soulié, enseignante au collège Daniel Argote à Orthez (Pyrénées-Atlantiques), ont changé leurs habitudes de travail lors de la production de textes longs. Les élèves sont installés en « ilots », chaque groupe dispose d’une tablette numérique et d’une application qui permet l’écriture collaborative en direct. Ils sont amenés à écouter un montage sonore (des applaudissements, un extrait du Lac des cygnes, un moteur de voiture…). Ils notent sur le tableau virtuel des mots en lien avec ce qu’ils viennent d’écouter. Grâce aux indices perçus, ils imaginent individuellement les différentes étapes de leur récit.

Le cours suivant, les élèves proposent un plan et doivent raconter leur histoire à un camarade, qui est chargé de poser des questions.

« Une grande feuille de papier avec plusieurs rabats est utilisée afin d’organiser les différentes étapes de l’enrichissement du texte : un feuillet pour le plan proposé par l’élève, un autre pour les corrections apportées suite aux échanges avec son camarade et un troisième pour la première correction de l’enseignante. »
Marie Soulié, professeure de français

De plus, l’enseignante filme les échanges entre les élèves afin de mieux jauger la prise en compte des remarques du voisin.

À la séance suivante, les élèves commencent à rédiger leur texte. Ils s’enregistrent ensuite via une plateforme et demandent à leurs camarades et à leurs familles d’écouter leur production et de rédiger quelques commentaires. Les élèves tiennent généralement compte de ces commentaires car ils savent qu’ils sont aussi évalués sur leur capacité à améliorer leur brouillon.

L’amélioration des textes est nette et les progrès méthodologiques semblent manifestes (construire un plan, considérer le brouillon…). Ce travail permet également d’aider à dépasser les blocages, il redonne confiance à certains élèves qui pensaient ne pas savoir écrire et qui réussissent finalement à produire des textes de bonne qualité.

Marie Soulié, professeure de français
Académie de Bordeaux, collège Daniel Argote, Orthez (64 300)

Yann Houry, professeur de français au lycée international Winston Churchill (Londres), propose à ses élèves de 6e de parcourir la carte interactive d’une ile au trésor, afin d’avancer suivant leur rythme. Cette carte est jalonnée d’étapes permettant aux élèves de travailler différents éléments qui les aident à la phase finale du jeu : l’écriture d’un conte. L’imparfait, le passé simple, l’incipit, le schéma narratif, le merveilleux sont ainsi étudiés durant tout le parcours, à travers divers exercices. Par exemple, les élèves doivent compléter un texte à trous en conjuguant au temps approprié les verbes indiqués entre parenthèses. Ils doivent également remettre dans l’ordre les phrases d’un récit proposées dans le désordre. Chaque élève travaille sur tablette numérique, prêtée par l’établissement.

« Lorsque les élèves arrivent à la fin de la carte au trésor, ils doivent rédiger tous ensemble un récit. Pour cela, nous préparons différentes « roues de la fortune », chacune ayant une spécialité : personnages, éléments déclencheurs, péripéties, lieux, dénouement, etc. Les élèves tournent les roues et se répartissent ainsi les chapitres à rédiger. »
Yann Houry, professeur de français

Les élèves se corrigent ensuite entre eux, en expliquant à leurs camarades les erreurs commises. L’autonomie des élèves est privilégiée à travers ces productions écrites. L’enseignant, quant à lui, se base sur ces exercices et textes écrits pour reprendre certains points de grammaire et de conjugaison qui ne seraient pas acquis par les élèves.

Yann Houry, professeur de français
Lycée international Winston Churchill, Londres

Au collège Le Dimitile à l’Entre-Deux (La Réunion), depuis 2013, deux classes de 5e travaillent toute l’année sur l’écriture d’un roman de science-fiction, dont ils sont les héros. Les collégiens de la première classe se sont imaginés élèves astronautes, organisant une course de voiliers solaires, alors que ceux de la seconde classe ont inventé une mission d’exploration avec Guy Pignolet, habitant de l’ile et ancien membre du Centre national d’études spatiales (Cnes).

 « Les élèves ont le choix de travailler seuls ou en petits groupes. Toute la classe écrit le même chapitre. À la fin de la séquence, on lit les textes de chaque groupe, on débat et on décide ensemble des idées, des phrases que l’on va garder pour l’écriture finale. »
Aline Brobeck, professeure de français

Ces moments de mise en commun, à partir des productions des élèves, permettent de travailler l’orthographe et la grammaire, à travers les verbes choisis, l’accord des adjectifs… Des points importants en français peuvent ainsi être revus avec toute la classe. De plus, après un travail sur un sujet précis, par exemple la description, les chapitres suivants sont enrichis pour réinvestir la compétence travaillée. Enfin, l’environnement dans lequel se déroulent les deux histoires incite les élèves à faire des recherches et ainsi à accroitre leur culture scientifique.

Aline Brobeck, professeure de français
Académie de La Réunion, collège Le Dimitile, Entre-Deux (97 414)

À l’école Le Christ-Roi à Tours (Indre-et-Loire), les enseignants, constatant que les élèves font de moins en moins attention à leur environnement, ont eu l’idée d’utiliser l’écriture pour les faire travailler sur des œuvres présentes dans leur quotidien. Dans le cadre du projet « Spect’acteurs », les élèves de CE1, CM1 et CM2 travaillent en groupe sur des céramiques exposées à l’intérieur de la gare de Tours. Les textes racontent l’histoire de ces œuvres et décrivent également le ressenti des élèves, leurs émotions, à la vue de ces objets d’art. Les productions sont ensuite exposées à l’intérieur de la gare, pendant une année.

 « Les enseignants utilisent ces productions écrites comme outils de travail et peuvent ainsi étudier la grammaire, l’orthographe, la ponctuation, l’acquisition d’un vocabulaire adapté… »
François Jourdain, directeur de l’école

Le directeur de la gare est chargé de relire les textes rédigés et de les valider, ce qui entraine une rigueur plus importante de la part des élèves. De plus, les écoliers trouvent un intérêt à écrire en sachant que leurs productions vont être lues par des centaines de voyageurs. Le fait de travailler en groupe désinhibe les élèves dans leur rapport à l’écriture : ils peuvent oser, tenter, avoir plus confiance en eux.

François Jourdain, directeur de l’école
Académie d’Orléans-Tours, école Le Christ-Roi, Tours (37 100)