ÉTAT DES LIEUX

Quelles sont les grandes évolutions en matière de politique évaluative depuis 2014 ?

Brigitte Hazard, inspectrice générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR)

À retenir

Brigitte Hazard dresse un panorama des évolutions engagées en matière de politique évaluatives en France depuis 2014 et des impacts de ces évolutions dans les classes :

Il existe dans le système éducatif français des boussoles, comme le socle, les livrets, les programmes, les examens, les contenus des évaluations standardisées, qui fixent des directions évaluatives. Par exemple, la loi de 2013, qui précise que les modalités d’évaluation des élèves doivent évoluer pour éviter une « notation-sanction » et privilégier une évaluation dite positive, simple et lisible, valorisant les progrès. Par ailleurs, des circulaires et des documents d’accompagnement viennent aider à la compréhension et à la mise en œuvre de ces directions.

Des frémissements d’évolution se font jour, en attestent des évolutions positives dans les classes, en particulier en maternelle (réflexion collective sur les outils de suivi des acquis, nouvelles modalités d’évaluation associant l’élève) et en élémentaire. Au collège, malgré des évolutions positives (évaluation plus intégrée à l’acte d’enseignement et moins perçue comme une finalité en soi, dimensions formatives plus prises en compte, etc.), une difficulté perdure : le suivi par les enseignants des progrès des élèves. Au lycée, la pression de la sélection et de l’orientation (et donc de la note) prend le dessus.

• La situation est donc contrastée dans les classes : l’évaluation est peu concertée et parfois peu cohérente dans ses finalités. Elle reste encore source de tension dans les équipes éducatives. Elle est très focalisée sur la note et sur la moyenne en particulier dans le second degré. Enfin, elle est régie par des exigences institutionnelles qui peuvent paraître contradictoires (notes vs compétences).


Quelles sont les pratiques et les représentations de l’évaluation chez les enseignants ?

Sophie Genelot, université de Bourgogne (France)

À retenir

Sophie Genelot présente les résultats d’une étude réalisée à la demande du Cnesco auprès d’un ensemble de 13 classes d’écoles élémentaires et de collèges.

• Dans l’ensemble des classes observées, l’activité évaluative1 occupe un peu moins de la moitié du temps d’enseignement (48,5 %). 351 situations évaluatives ont été identifiées et classées en trois catégories, qui ont été mises en relation avec les deux principales fonctions de l’évaluation, « évaluation de l’apprentissage » vs « évaluation pour l’apprentissage » :

Les situations évaluatives formalisées explicites : elles sont présentées comme évaluatives aux élèves (par exemple : « contrôle », « devoir surveillé », « interrogation », etc.). Les enseignants les évoquent prioritairement (parfois ce sont les seules évoquées).

Les situations évaluatives interactives simultanées : elles ne font l’objet d’aucune présentation aux élèves et quand elles le sont, c’est souvent sans référence explicite à l’évaluation. L’enseignant interagit avec un (ou des) élève(s) pendant qu’ils sont au travail (circulation entre les rangs, débats, etc.).

Les situations évaluatives interactives différées : elles sont assez informelles, plus ou moins présentées comme évaluatives, souvent constituées d’interactions entre l’enseignant et un (ou des) élève(s), engagées à l’issue de l’activité des élèves.

L’activité évaluative en classe ne se réduit pas seulement aux activités formelles d’évaluation choisies et mises en œuvre consciemment et explicitement à cette fin par les enseignants. Elle transite également dans toutes les classes par des situations plus informelles (« dialogues évaluatifs »), qui sont cependant potentiellement porteuses d’apprentissages pour les élèves lors de ces interactions.

1 Toute situation dans laquelle l’enseignant et/ou les élèves prélèvent des informations, les interprètent en fonction de critères pour formuler une appréciation qui fonde une prise de décisions.


Quelles sont les perceptions par les parents et les élèves des pratiques évaluatives en classe ?

Stéphane Bénit, université Reims Champagne-Ardenne (France)

À retenir

Stéphane Bénit montre comment les enfants perçoivent les pratiques évaluatives, au travers de différentes instances socialisatrices, famille, école. Il a mené une enquête auprès d’élèves de grande section de maternelle, de CP, CM2, 6e et 5e et de leurs parents de professions et catégories socioprofessionnelles diverses.

Les pratiques parentales incitent à la mobilisation scolaire des enfants, entraînant une intériorisation progressive de l’impératif de réussite scolaire1 et des dispositions qui sont requises pour y parvenir. Or, le suivi et l’aide à l’apprentissage des leçons et des devoirs sont davantage le fait des parents détenteurs d’une culture scolaire experte. Ainsi, dès la grande section, certains enfants, souvent de parents favorisés, ont développé des pratiques d’autocontrôle et d’analyse de leurs erreurs.

Les parents focalisent leur attention sur les situations évaluatives formalisées explicites et régulent parfois leur activité pédagogique en fonction des résultats de leurs enfants. Certains parents, le plus souvent favorisés, préparent leurs enfants à un décryptage des attendus évaluatifs professoraux et exigent une évaluation ou note-seuil, c’est-à-dire un signe évaluatif attestant de la validation de la maîtrise d’une compétence au-dessus du seuil qu’ils ont fixé.

• Les élèves reçoivent de nombreux feedbacks évaluatifs en classe, et mettent en place différentes stratégies afin de composer avec les contraintes professorales et parentales.

1 L’incitation parentale « à travailler pour être digne de ses parents, pour conserver leur affection et susciter leur fierté » (Merle).