Préconisations du Cnesco


Des préconisations pour aider les élèves à construire leur parcours d'orientation

Éclairé par les évaluations produites par les chercheurs et le travail collectif de plus de 350 acteurs et décideurs de la communauté éducative, le Cnesco présente ses préconisations pour aider les élèves à construire leur parcours  d’orientation.

Préalable : clarifier les objectifs de la politique d’éducation à l’orientation

  • Objectifs économiques : croiser des temporalités de développement économique de court et de long terme pour dépasser le simple adéquationnisme formation-emploi ;
  • Objectifs en termes de cohésion sociale : ouverture sociale des formations, élévation des aspirations des élèves défavorisés, en situation de handicap… ;
  • Objectifs en termes de cohésion nationale : offrir, à tout jeune, un service de qualité sur l’ensemble du territoire national.

Cinq principes essentiels

  • Apprendre à s’orienter plutôt qu’ « être orienté » : ces politiques d’orientation visent non plus uniquement à aider à trouver à court terme une formation professionnelle, mais à apprendre à s’orienter dans le système de formation initiale puis tout au long de la vie pour ajuster au mieux ses compétences professionnelles.

  • Mettre en place un continuum de l’éducation à l’orientation de l’enseignement scolaire à l’enseignement supérieur afin de faciliter l’orientation tout au long de la vie et de lutter efficacement contre les inégalités : démarrer les actions, notamment de connaissance de soi, dès le primaire (avant que les stéréotypes ne soient installés) et sécuriser un parcours progressif en conservant trace des réflexions (outils de portfolio).
  • Mettre en œuvre certaines actions liées à l’orientation dans le cadre de classes entières pour limiter l’autocensure (par exemple, un élève ne s’imaginant pas dans l’enseignement supérieur pourrait ne pas se porter volontaire pour une visite d’établissement).
  • Permettre des parcours individualisés plutôt que des orientations définitives et des parcours fortement séparés : développer les passerelles et les possibilités de retour en arrière.
  • Favoriser l’interaction de l’école avec les autres parties prenantes : familles, collectivités territoriales, entreprises, associations, ministère du travail ou de l’enseignement supérieur…

Des actions prioritaires

Cette plateforme nationale publique doit permettre d’accompagner les élèves de leurs premiers choix, au collège, jusqu’à leur insertion professionnelle. Elle doit :

  • rassembler les informations régionales, nationales et internationales sur les filières, leurs passerelles et leurs débouchés, sur les métiers et notamment les métiers de demain et les secteurs porteurs ;
  • proposer une entrée par territoire, appuyée sur des technologies de géolocalisation, pour permettre aux jeunes de faire le lien entre des formations et leur accès en transports et la disponibilité de places d’internat, venant compléter une entrée par domaine professionnel ou filière ;
  • proposer des contacts utiles et régionaux (professionnels de l’accompagnement, entreprises qui recrutent…),
  • garantir une information impartiale, transparente et actualisée, alimentée par un tiers de confiance.

Ils l’ont fait… à l’étranger

En Australie, la plateforme MyFuture (https://www.myfuture.edu.au) est utilisée par 1,5 million de personnes qu’elle accompagne au cours de leurs études puis dans leur insertion professionnelle. L’objectif est de fournir un « guichet unique » qui couvre tous les besoins d’information des jeunes, avec des entrées par métier mais aussi par formation. Il permet d’enregistrer ses propres objectifs de carrière. Cet usage du numérique répond à un défi géographique, car l’Australie abrite 3,7 millions d’élèves (de 12 à 18 ans) et 1,7 million d’étudiants, très dispersés sur le territoire. MyFuture s’appuie sur une plateforme déjà utilisée par 90 % des étudiants, sur laquelle ils peuvent se connecter avec les mêmes identifiants que ceux de l’espace numérique de leur institution scolaire.

La qualité des informations disponibles sur les plateformes privées doit être évaluée puis labellisée au niveau interministériel.

Des programmes sur la connaissance de soi doivent être déployés en trois temps :

  • dans les collèges d’éducation prioritaire, dans un premier temps ;
  • dans l’ensemble des collèges, dans un deuxième temps ;
  • dans l’ensemble des écoles primaires, à moyen terme.

Ces programmes peuvent se traduire par des activités de réflexion des jeunes sur ce qu’ils aiment, en articulant le scolaire et l’extrascolaire : partir d’une activité que l’élève apprécie (créative, sorties…) pour en déduire les compétences qu’elle développe, les appétences et valeurs qu’elle révèle et les liens éventuels qui peuvent être faits avec les disciplines.

Pour les plus âgés, l’utilisation des jeux de rôle permet d’approcher des situations non quotidiennes : s’imaginer dans une situation professionnelle, jouer les relations avec un supérieur, un client…

Ils l’ont fait… en France

Au lycée de la Mer de Gujan Mestras, dans l’académie de Bordeaux, un atelier théâtre a été mis en place pour la connaissance de soi et la confiance en soi, impliquant 90 élèves sur trois classes durant les heures d’accompagnement personnalisé (1h/semaine, pour les élèves de 2de), ou sur les heures de cours (pour les élèves de 1re et de terminale, en préparation à l’oral). À travers des exercices théâtraux, les élèves sont amenés à faire le point sur leurs aspirations et compétences, qu’ils connaissent trop peu, et à réfléchir sur leurs principales qualités. Le jeu théâtral leur permet notamment d’expérimenter la façon dont ils peuvent exprimer ces qualités et l’image qu’ils renvoient en parlant (confrontation de son intention au ressenti du groupe devant lequel on parle).

  • Accessibilité de l’information dans les territoires ruraux

Faire venir l’information et le conseil jusqu’aux jeunes des territoires isolés en organisant la présence des professionnels de l’accompagnement auprès de tous les élèves, particulièrement les plus éloignés des sources d’information (bus de l’orientation).

Ils l’ont fait… en France

Sur les vingt communes du territoire du Morbihan, l’association Relais jeunes 56 met en place plusieurs projets qui visent à aller à la rencontre des familles et des jeunes pour pallier la difficulté à sortir du territoire pour aller vers l’information. Elle réalise depuis un an du soutien aux parents à domicile. Son objectif est de mettre en place un « Bus de l’orientation », sorte de CIO mobile qui permettrait de mettre à la disposition des jeunes et de leurs familles des informations, des permanences de professionnels (CIO, mission locale, BIJ, CPAM, CAF, Prévention des risques…) mais également de répondre directement à leurs interrogations en face à face et de les accompagner physiquement vers les structures de droits communs. 

  • Élévation des aspirations des élèves défavorisés

Développer un crédit d’heures supplémentaires accordées aux élèves boursiers pour leur orientation et accompagner leurs familles dans la connaissance des formations et des outils d’orientation.

Ils l’ont fait… à l’étranger

En Angleterre, le programme Aimhigher puis les programmes d’Outreach, favorisant la rencontre entre les universités et les lycéens ainsi que les périodes courtes d’immersion de ceux-ci dans des filières universitaires, a permis de rassurer certains élèves sur leur légitimité à faire des études supérieures. Le programme s’adresse également aux parents au travers des maisons de quartier. Pour les jeunes dont les parents ne sont pas allés à l’université, un travail pour développer leurs aspirations pour des métiers qualifiés et des études supérieures débutent dès le primaire.

Identifier les zones dans lesquelles les élèves ont peu d’aspiration (faible taux d’accès à l’enseignement supérieur) et s’assurer que des actions visant à déconstruire les stéréotypes sociaux et à accompagner les élèves défavorisés ciblent ces territoires.

  • Déconstruction des stéréotypes de genre dès le primaire

Développer dès le primaire des programmes de lutte contre les stéréotypes de genre (ne pas associer les noms de métiers à un genre (« le médecin », « la secrétaire »…), faire réagir les élèves aux représentations des hommes et des femmes dans leurs lectures ou dans les médias).

Ils l’ont fait… en France

Un travail sur la déconstruction des stéréotypes de genre a été mené dans l’académie d’Aix Marseille auprès d’une classe de 5e et une classe de 4e par la conseillère d’orientation (PsyEN) et le professeur documentaliste. Les deux classes ont eu à faire des recherches personnelles sur la place des femmes, de l’Antiquité à aujourd’hui. À partir de ces éléments, tous les élèves du collège ont organisé une exposition de sensibilisation qui s’adressait également aux adultes. Pour la classe de 4e, un travail spécifique d’études de cas et notamment de situations problématiques sur la mixité dans les métiers a été mené. Au préalable, un échange sur les stéréotypes a été rendu possible par l’utilisation d’un photolangage (engager une discussion à partir d’une image).

  • Accompagnement des élèves en situation de handicap

Développer un espace d’échanges entre élèves, étudiants et professionnels en situation de handicap afin de surmonter les obstacles, réels ou supposés, liés aux choix d’une filière ou d’un métier.

Ils l’ont fait… en France

Afin de lutter contre le décrochage des lycéens handicapés et favoriser leur poursuite d’études dans le supérieur, la Fédération Étudiante pour une Dynamique Études et Emploi avec un Handicap (FÉDÉEH) coordonne depuis 2011 l’essaimage national du programme PHRATRIES initié en 2008 par l’ESSEC et la MAIF sur le Val d’Oise (http://fedeeh.org/). Il s’agit d’un accompagnement dans la durée de jeunes handicapés en milieu ordinaire, de la 3e à la terminale, qui repose sur du tutorat étudiant, collectif (par groupes de 5-6 jeunes du même âge environ) et hebdomadaire. Les séances durent environ 2 heures et ont lieu hors temps scolaire, au sein de l’établissement supérieur engagé localement dans le dispositif (université ou grande école). Elles sont animées par des binômes d’étudiants tuteurs formés et accompagnés tout au long de l’année qui proposent aux jeunes divers ateliers sous forme de jeux, débats, travaux en équipe, etc.

Des actions pour construire un véritable parcours d'orientation

Créer au niveau départemental un répertoire de contacts (parents volontaires, entrepreneurs locaux, associations…) pour échanger avec les élèves : rencontres dans l’établissement, échanges mails ou tchat sur des questions liées au parcours…

Valoriser les pratiques innovantes au niveau académique : par exemple, la découverte des métiers à partir d’un objet du quotidien (smartphone) pour comprendre les domaines professionnels correspondants (métiers de la conception, du marketing, de l’environnement…).

Ils l’ont fait… en France

Pro2Science est une initiative développée et soutenue par l’Onisep qui propose des séquences d’apprentissage qui permettent d’aborder des concepts et des expériences dans plusieurs disciplines et de faire le lien avec des familles de métier à découvrir à partir d’objets.
Un projet autour de l’écran tactile a ainsi été mis place pour les classes de 4e (http://www.onisep.fr/pro2science). Il peut se décliner autour de plusieurs disciplines : anglais, mathématiques, physique-chimie, SVT, histoire-géographie, enseignement moral et civique, français, technologie ou encore arts plastiques, en lien avec le professeur documentaliste et le conseiller d’orientation (PsyEN).

Labelliser les associations qui mettent en place des dispositifs efficaces à partir d’une évaluation de leur action.

Un temps doit être consacré à la découverte des métiers par l’expérience et le contact direct avec un professionnel dans son environnement.

  • Enquête sur les métiers

Proposer aux élèves de devenir des reporters des métiers auprès des professionnels (préparer un entretien, organiser l’interview, restituer l’échange sous un format défini par les élèves – vidéo, site Internet, journal de l’établissement).

  • Immersion dans une entreprise

Multiplier les périodes de stage mais surtout les périodes d’immersion en entreprise.

Ils l’ont fait… en France

En Ariège, une période de « classe en entreprise » a été mise en place pour des élèves de baccalauréat professionnel vente. L’idée est de délocaliser la classe au sein d’une entreprise, en présence de l’enseignante. Cela permet à la fois d’aider les élèves à se projeter dans l’univers professionnel, avec un effet remobilisant et remotivant, et de permettre à l’enseignante de maintenir, voire de créer, un lien durable avec les professionnels du secteur.
Le plus souvent, le dispositif « Classe en entreprise » consiste à accueillir une classe, généralement de troisième ou seconde, en entreprise pendant trois jours. Le programme est aménagé pour comporter des cours qui ont lieu dans les locaux de l’entreprise et des séquences de découverte du milieu professionnel. Le dispositif estime que la disponibilité des représentants de l’entreprise pour accueillir un groupe de 24 élèves sur 3 jours est la même que celle nécessaire à l’accueil de deux stagiaires sur une semaine.

  • Simulation d’entreprise

Favoriser la création de « junior entreprises » au sein des établissements.

Favoriser l’accompagnement par les pairs : organiser des simulations d’entretiens d’orientation entre élèves pour discuter de ses motivations (les élèves de 2nde avec ceux de terminale, les élèves de 1re avec les étudiants de licence), rémunérer (ou faire valoriser par les universités) des étudiants ambassadeurs.

Ils l’ont fait… en France

Développée par l’association Article 1, la plateforme Inspire permet à des lycéens d’explorer des pistes d’études grâce à un algorithme basé sur des questionnaires explorant leurs appétences. Pour les pistes qu’ils décident de sélectionner comme « favori », les lycéens se voient proposer des contacts d’étudiants « Éclaireurs » qui ont suivi ces filières et qui sont de profil comparable au leur. La plateforme a été labellisée par le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche en 2017.

Généraliser les expériences d’immersion à l’université pour les élèves de lycée : découverte de l’établissement et cours à l’essai dans différentes filières sur un mode volontaire (semaines de congés scolaires, semaine de l’orientation…), ou sous forme de MOOC pour les filières non présentes sur le territoire.

Ils l’ont fait… en France

En région Île-de-France, l’université de Cergy-Pontoise  propose trois phases de rencontre avec les filières pour les élèves de lycée. En 2nde, l’exploration se fait à travers le dispositif Cap Fac, adressé à 150 lycéens des 9 lycées de l’agglomération de Cergy. Durant 3 jours pendant les vacances de printemps, ceux-ci ont l’opportunité de visiter l’établissement et de suivre des ateliers, notamment l’atelier « Portrait-Robot de l’enseignement supérieur » qui déconstruit les stéréotypes sur l’université. Ce dispositif concerne les jeunes culturellement et socialement éloignés de l’enseignement supérieur. Il est préparé au niveau des lycées partenaires.

 

Les retours en formation

Mettre en place des formations locales, partant des problématiques rencontrées par les acteurs, pour en déterminer le contenu.

Profiter des formations pour créer des relations inter-niveaux et mutualiser les connaissances des acteurs de l’éducation. Mettre en place un travail partenarial entre le secondaire et le supérieur autour des attendus des filières

Ils l’ont fait… en France

Une formation à l’initiative de l’Académie de Rennes, co-portée par 4 inspecteurs et les 4 universités (directeurs de SIOP notamment), réunit les enseignants de lycées et d’universités. Organisée sur 6 journées en 2017-2018, à destination des professeurs principaux de 1re des lycées publics du territoire et des proviseurs ou proviseurs adjoints, elle comporte deux volets. Le premier est informationnel, avec un apport de contenu sur l’orientation et l’histoire du concept d’orientation. Les universitaires expliquent grâce à des résultats d’études aux enseignants de lycée le caractère souvent non linéaire des parcours des étudiants, contrairement à certaines idées reçues. Des ateliers d’échange ont ensuite lieu sur les facteurs de réussite étudiante et les compétences attendues en licence (à partir des attendus de Parcoursup). Les enseignants des deux niveaux confrontent leurs représentations et proposent des pistes pour préparer les élèves à la transition. Un débriefing est réalisé avec le chef d’établissement pour envisager comment mettre en place ces préconisations dans le lycée.

La formation des familles doit porter sur plusieurs éléments : recherche d’information, aide à la décision, accompagnement à la formalisation des compétences, utilisation des plateformes d’affectation…

Un dispositif de mentorat proposé par les professionnels des domaines visés pourrait permettre un accompagnement des élèves à plusieurs niveaux : aide dans le parcours, relecture de CV, proposition de contacts… Les mentors doivent recevoir une formation spécifique pour éviter les effets négatifs mis en évidence par la recherche (abandon du mentor en cours du programme).

L’évaluation de ces dispositifs doit garantir la qualité de l’accompagnement de tous les élèves sur l’ensemble des territoires.

© Thierry Marro